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patchworkman's blog

11 janvier 2010

Paranormal Activity

Sortie en salle

PARANORMAL ACTIVITY

de Oren Peli (2009)

paranormal_aff

Alors la voilà donc, la terreur des salles obscures! le film qui a plongé l'Amérique dans une frayeur sans nom! la trouille bleue de la décennie! le nouvel "Exorciste"! qui arrête les pacemakers! déflore les vierges par osmose! fait cailler le lait des parturientes! abandonne le spectateur bloblottant entre les bras des infirmiers compatissants! à ne pas visionner sans un pompier à proximité, prêt à intervenir juste au cas où…

À mon humble avis, c'est très exagéré, si j'en juge par la fine équipe de minots (niveau CM2) installés juste derrière moi dans la salle, et qui m'ont copieusement pourri la séance avec leurs incessantes vannes de cour de récré… Z'avaient pas vraiment l'air traumatisé, non plus que les exactions du poltergeist facétieux ne leur avait coupé l'appétit, ni même interrompu une seconde le vigoureux grignotage de sucreries variées! Ou alors, c'est que tous ces braves ménagères yankees qu'on peut contempler terrifiées lors d'une sneak-preview, dans un trailer pour le moins autosatisfait, n'ont pas vu grand chose de leur vie… Vous me direz, si tous les produits, filmiques ou non, étaient à la hauteur de leur promo, nous vivrions tous au paradis des consommateurs…

Bon, nonobstant les nuisances sus-décrites et inhérentes au public du samedi soir (pas le choix: deux séances dans la semaine en tout et pour tous, ainsi va la vie du fantasticophile de province!) qui m'empéchèrent de m'immerger dans le film de façon satisfaisante, je dois vous avouer que, si "Paranormal Activity" est loin de vous perturber la tripaille sans vous laisser de répit, et encore moins de vous empêcher de dormir comme on nous l'avait pourtant promis (remboursez!), ça n'en reste pas moins une œuvre très prenante, quoique roublarde, avec de vrais morceaux de trouille dedans. Reste à voir si, dans le genre quelque peu surpeuplé "shaky-cam subjective", le film d'Oren Peli parvient à tirer son épingle du jeu, après "Le Projet Blair Witch" (Daniel Myrick & Eduardo Sanchez - 1999), "Diary Of The Dead" (George A. Romero - 2007), "Cloverfield" (Matt Reeves - 2008), et enfin le phénomène "Rec" (Jaume Balagueró & Paco Plaza - 2007), son remake (tout pourri) et sa séquelle (intéressante) - et je ne parle pas des diverses expériences "dogmatiques" initiées par Lars Von Trier…

À mon sens, le principal atout de "Paranormal Activity" réside dans les fameuses séquences en plan fixe et en noir et blanc, celles où une caméra automatique veille sur le sommeil des protagonistes. C'est même là, s'il en est une, la véritable innovation par rapport à la longue série de "documenteurs" que j'ai énumérés. Le fait qu'aucun personnage ne soit censé tenir la caméra, abolissant par là-même tout effet de mise en scène, confère à ces séquences un surcroît de réalisme glacé et glaçant. Cette idée, fort astucieuse si ce n'est géniale, prend en effet le parfait contrepied de la trop fameuse caméra subjective, remplacée par une caméra qu'on pourrait qualifier d'OBJECTIVE et qui, en débarrassant l'acte de filmer de tout état d'âme lié au caméraman, gagne un pouvoir immersif étonnant en suspendant quasi instantanément l'incrédulité du spectateur. Entre paranthèses, j'en viens d'ailleurs à supposer qu'avant même que l'on songe à mettre en scène des photographies puis des films, c'est peut-être pour cette raison étymologique que l'on nomma OBJECTIF l'appareillage servant à capturer des images, et censé restituer le réel dans toute sa froideur… Quoi qu'il en soit, l'effet est imparable, et les images prennent dès lors un statut de témoignage incontestable, au même titre que celles stockées par les très controversées caméras de surveillance, nous suggérant par là-même que ce qu'elles nous montrent a une réelle valeur documentaire. Nous adhérons dès lors sans réserve à ce postulat fictionnel, quel que soit par ailleurs notre degré de scepticisme.

Si ces séquences pseudo objectives s'avèrent d'une réelle efficacité, c'est aussi qu'Oren Peli nous les délivre avec un art consommé de la gradation. Ainsi, lors des toutes premières "scènes de nuit", bien que l'on n'ait rien à se mettre sous la dent, si ce n'est des dormeurs remuant de temps à autre, ce "rien" est déjà "tout". En effet le spectateur, cherchant une diversion à un ennui machiavéliquement provoqué, scrute le cadre dans tous ses recoins. Son attention est captée sans coup férir, mais surtout, il a été mis en condition quasiment à son insu. Cette procédure va s'avérer payante par la suite: une simple porte qui bouge, une seule fois, rien de plus, et voilà que ce délicieux frisson glacé, si prisé de tout fantasticophile qui se respecte, nous remonte soudain le long de l'échine, nous rétractant le testicule… Évidemment, ça ne va faire que croître et embellir, chaque manifestation de l'entité se confirmant plus inquiétante que la précédente, pour enchaîner le moment venu sur des effets-choc assez croquignolets, jusqu'à un climax final lors duquel il est impossible de ne pas bondir de son siège!

Précisons que, durant ces séquences, Peli ne joue jamais la facilité et évite soigneusement tout spectacularisme mal venu. Ainsi, et selon la fameuse distinction établie par Stephen King dans son essai "Anatomie de l'Horreur" (1), il joue en permanence sur le registre de la terreur, mais jamais sur celui de l'horreur. Selon une démarche assez similaire à celle d'un Shyamalan, on a dans "Paranormal Activity" une immanence du Mal, c'est-à-dire que celui-ci n'est jamais clairement identifié dans son essence, et que l'on n'aura jamais affaire qu'à des manifestions ou, pour poursuivre la comparaison, à des "phénomènes". On aura beau classifier ceux-ci artificiellement comme relevant d'un cas de possession, tout en les attribuant à un vague démon tout aussi hypothétique que mal défini, il n'en demeure pas moins que, pour ce que l'on en sait et pour ce que l'on nous en dit, on pourrait tout aussi être confronté à un cas d'hystérie tel que ceux décrits par Charcot à l'aube de la psychanalyse… La question reste donc en suspens quant à la responsabilité inconsciente de la victime dans l'avènement des "phénomènes", comme le suggèrent par ailleurs plusieurs scènes de somnambulisme…

Le Mal doit donc rester dans l'ombre pour être tout à fait terrifiant, car toute apparition du monstre (du latin "monstrare": montrer) aboutit irrémédiablement à sa "dé-monstration", soit: une perte conséquente de sa capacité à nous épouvanter. Dès lors, ce que nous montre la caméra "objective" de Peli ne saurait être que de l'ordre de la menace: par le fait, jusqu'au climax final (qui révèle à la fois tout et rien), les agressions effectives se déroulent toutes hors-champ, et l'on ne peut que s'émerveiller de l'insistance, presque humoristique, que met l'"agresseur" à trainer littéralement ses victimes hors de notre vue, comme pour s'assurer de pouvoir réaliser ses exactions en toute quiétude, à l'abri des regards indiscrets… Bien entendu, on ne manquera pas de souligner la thématique de l'éternelle frustration du voyeur: rappelons que, dès le début, l'acquisition de la caméra provoque une grande excitation chez le héros qui, l'œil collé à l'objectif, ne tarde pas à demander à sa fiancée de "retirer son soutif" pour obtenir in petto une fin de non-recevoir. Le drame du voyeur, c'est d'être persuadé qu'il y a quelque chose à voir là où il n'y a rien ou, plus précisément, là où il n'y a que son propre fantasme intangible. Pire: viendrait-il à voir quelque chose que son désir, en tant qu'assouvi, s'abolirait immédiatement pour fantasmer une vision au-delà de l'effectivement vu. Et c'est là que la promo se montre intelligemment roublarde: en ce qu'elle propose de voir l'inimaginable là où il n'y a objectivement rien à voir, et c'est précisément la raison pour laquelle le film présente, dans sa démarche "terroriste", de réels moments d'efficacité. Le trailer, de par son statut même d'enclancheur de désir, se garde bien de nous montrer quoi que ce soit, si ce n'est l'effet produit sur les spectateurs confrontés à ce que l'on a défini comme de simples "phénomènes", soit: des épiphénomènes! Et, par le fait, nous ne verrons rien, puisque tout est évacué hors-champ de la réalité objective filmée par la caméra, et surtout pas les seins de l'héroïne! Une phénoménologie qui permet d'affirmer, avec Kant, que le réel nous reste inconnaissable…

Ainsi, "Paranormal Activity" se situe bien dans une démarche illustrée par "La Maison du Diable" (1963), chef-d'œuvre inégalé de Robert Wise, sans en atteindre, en dépit de son efficacité, toute la puissance suggestive. La raison en est que Wise ne montrait ABSOLUMENT RIEN, si ce n'est des mouvements de caméras diaboliques soulignés d'une bande-son remarquable, là où Peli recourt tout de même, quoique parcimonieusement, à de l'effet visuel. Exemple: chez Peli, on voit bouger une porte, alors que chez Wise la porte bouge entre deux plans, c'est-à-dire dans le non-filmé. Le premier filme des phénomènes, le second se contente de nous confronter aux effets de phénomènes supposés. Et tout à l'avenant: l'entité de "La Maison du Diable" atteint son maximum de concrétion dans une scène où il nous est impossible de n'en rien voir, tout se déroulant dans l'obscurité (le Mal doit rester dans l'ombre), la caméra restant impitoyablement fixée sur le visage de l'héroïne, décomposé par l'épouvante, et la terreur atteint son comble dans la menace qui demeure interminablement tapie derrière une porte qui ne s'ouvrira pas… Cette même porte sert d'ailleurs de métaphore à Stephen King qui préconise, afin de différer le moment où la terreur va se dégrader sous la forme plus triviale de l'horreur, d'en repousser autant que possible l'ouverture, soit: le moment de ce que j'ai nommé la "dé-monstration". À cet égard, il est difficile d'aller plus loin que Wise, qui nous a donné la scène de porte définitive - il est vrai qu'avec "La Maison du Diable", on n'a pas affaire à du théâtre de boulevard! Mais on n'en retiendra pas moins qu'en dépit d'une différence d'approche de la "phénoménologie de la terreur", les deux films ont en commun de faire plus que suggérer une hystérie de leurs héroïnes respectives (immanence du Mal).

Puisqu'on en est au chapitre des "cinématographies comparées", il est une autre référence, quoiqu'inversée, que je ne peux pas décemment passer sous silence. Il s'agit du classique de William Friedkin "L'Exorciste" (1973), qui se retrouve naturellement en compétition avec "Paranormal Activity", du fait de leur statut commun de "paroxysme autoproclamé de la terreur". On est effectivement en présence de deux œuvres qui, indépendamment de leurs qualités intrinsèques, se reposent énormément sur la promo et sur le buzz, soit une volonté de mise en condition du spectateur en amont de l'expérience du film proprement dite. Ce qui revient à dire qu'avant même que d'entrer dans la salle, le public est déjà mort de peur sans avoir encore vu quoi que ce soit, un buzz parfaitement maîtrisé fonctionnant de façon à créer une autosuggestion chez les âmes non rompues à une certaine pratique de l'épouvante. Je puis vous en parler, qui ai vécu l'expérience de "L'Exorciste" en salle, lors de sa sortie française en 1974: hurlements hystériques des nanas, pâmoisons aggravées, spectateurs dégueulant partout, pompiers évacuant sur des civières les plus éprouvés, c'était pas rien, je vous assure… Ce qui explique que j'aie immédiatement calculé où la promo de "Paranormal Activity" voulait en venir, et l'effet d'autosuggestion qu'elle cherchait à (re)produire…

(Attention: spoilers…)

Mais la comparaison s'arrête là puisque, comme chacun sait, "L'Exorciste" est une œuvre plutôt démonstrative, là où "Paranormal Activity" joue au contraire sur la retenue. Ce qui n'empêche nullement Peli de se moquer gentiment du blockbuster de Friedkin, notamment en balisant toute la première partie de son film de fausses pistes, induisant des certitudes qu'il va se faire un plaisir de ruiner par la suite. Ainsi, lorsque l'on voit débarquer un médium, et que celui-ci fait allusion d'abord à un "démon", puis à un "spécialiste" de ce genre de cas, on s'attend à voir l'affaire tourner à un exorcisme en bonne et due forme, filmé façon reportage sur le vif. Mais l'exorciste tant espéré a tout de l'Arlésienne (parti en voyage, nous dira-t-on de manière expéditive…) et, quant au médium providentiel, il tournera les talons comme un foie jaune dès que les choses commenceront à virer à l'aigre, abandonnant nos héros dans la merde jusqu'au col! Entre-temps, le message est passé: si vous vous attendiez à voir un remake de "L'Exorciste" relooké Blair Witch, vous en êtes pour vos frais, et je vous ai bien eus!

Toutefois, au-delà des références que l'on pourra pointer cà et là, il est un lieu où "Paranormal Activity" se montre tout à fait original: dans la phobie même qu'il a décidé d'exploiter. Car le fait de filmer, de manière quasi warholienne (2), des gens en train de dormir, renvoie à cette angoisse universelle de la "tranche de mort" que représente le sommeil. Accepter de s'abolir, même provisoirement, dans le sommeil, c'est non seulement accepter de perdre le contrôle sur son environnement, mais également de s'offrir à l'autre (la caméra?) en toute vulnérabilité (3). "Paranormal Activity" joue donc à fond la carte de l'"hypnophobie" et rejoint ce faisant sa thématique principale, en définissant le regard posé sur le dormeur comme acte voyeuriste suprême. Aussi loin et aussi exhaustivement que je remonte dans ma vie de fantasticophile, je n'ai pas souvenance d'un précédent cinématographique, si ce n'est peut-être le chef-d'œuvre de Don Siegel "L'Invasion des Profanateurs de Sépultures" (1956), dont il est important de souligner que le titre envisagé originellement était "Sleep No More" - sous-entendu: de peur de vous réveiller "autre", aliénation du sujet illustrée dans "Paranormal Activity" par le somnambulisme de l'héroïne… C'est peut-être en ce sens qu'il faut entendre la menace inscrite sur l'affiche: "Bonne chance pour dormir après"…

Oui, "Paranormal Activity" est un film étonnant, à bien des égards… Je ne saurais donc trop vous inciter à y aller voir par vous-même, le film concocté par Oren Peli s'avérant, soyez en assurés, bien supérieur à ce que la promo et le trailer essaient de nous vendre. Au pire, vous vous en tirerez avec deux ou trois beaux moments d'authentique frayeur, et au mieux, vous serez enchantés par la richesse thématique et référentielle développée en filigrane par un réalisateur à suivre qui nous annonce déjà un second opus, intitulé "Area 51", et qui fleure bon son Roswell millésimé…

Dernière minute: une fin alternative?

Au sortir de la séance, discutant avec mon fils qui a vu le film avant moi, nous échangeons nos impressions. Nous sommes relativement d'accord, jusqu'à ce qu'il me sorte: "- …sauf la fin qui est toute pourrie!" Je m'insurge: "- 'tain, tu délires, là! J'ai fait un bond de deux mètres sur mon siège, si c'est ce que tu appelles une fin pourrie!" Mais il persiste. Je lui demande d'argumenter. Il me décrit alors une fin, qui me semble effectivement toute pourrie, mais qui n'a rien à voir avec ce que je viens personnellement de visionner. De concert, nous convenons n'avoir pas vu le même film… Si bien que je finis par lui demander: "- Mais tu l'as vu où, le film?" Il s'avère que le canaillou, pissant à la raie des directives présidentielles, l'a téléchargé je sais pas trop où sur la toile. Je comprends tout, et lui explique qu'il a certainement vu un piratage d'une quelconque sneak-preview, au cours de laquelle les spectateurs cobayes ont probablement dû s'insurger de même contre ladite fin, d'où une version totalement remaniée distribuée en salles. Tout ça pour signaler aux traqueurs de collectors - Patchworkman vous en donne plus! - qu'il existe une copie de travail du film qui tourne sur le Web, et qu'on retrouvera peut-être en bonus dans une future édition DVD…

Notes:

(1): "J'ai Lu" n°s 4410-4411

(2): Je pense notamment à "Sleep" (1963).

(3): Je ne résiste pas au plaisir de vous relater une parodie hilarante de "Paranormal Activity" récemment diffusée dans "Les Guignols de l'Info"… On y voit un couple endormi, filmé par une caméra de surveillance comme dans le film de Peli, lorsque soudain un bédouin traverse la chambre en tapinois, une baguette de pain sous le bras! La France a peur des Arabes qui viennent bouffer son pain durant son sommeil, mais comme elle dort, elle ne voit pas non plus ce que trament les Besson et autre Hortefeux!

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18927592&cfilm=140608.html

flip

Y'a pas un truc qui a bougé, là?

flip_2

Putain, je te dis qu'il y a un truc qui a bougé!

somnambulisme

Ah tu vois! elle a bougé, la meuf!

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12 décembre 2009

SEANCE INTERDITE (Mai 09)

Vu à la télé

SÉANCE INTERDITE (Février 2009)

Deuxième de mes quatre chroniques de rattrapage annoncées à propos des "Séances interdites" du millésime 2009, donc… Encore un tour du monde ma fois fort bigarré avec du Nalien ricain tout pourri, du mouton néozélandais fendard, du fantôme ibérique de très grande classe et du n'importe quoi russkoff mariné dans la vodka et fumé à l'herbe de bison! Le diabolique Yannick Dahan ne recule vraiment devant rien, y compris le pire, dès qu'il s'agit d'éclabousser l'écran…

alien_affALIEN VS PREDATOR: REQUIEM

de Colin & Greg Strause (2007)

Mon petit Yannick, Belzébuth sait que je t'aime bien, mais laisse-moi te dire que sur ce coup, y'a comme du mou dans la programmation… Depuis que tu sévis, on commence à te connaître un peu, et on sait que tu ne prises rien tant que provoquer le bourgeois insécurisé accro au Pernault cuvée Télébouygues, mais sans déconner: qu'est-ce qui t'a pris de nous balancer une purge pareille? Tu t'es overdosé aux pruneaux ou quoi? L'actualité ne manque pourtant pas de séries B bien crades comme tu aimes et, qui plus est, mal distribuées, nom d'un face-huggler enragé! Bon, allez, dis-le franchement que c'était rien que pour nous embêter, sale gosse que tu es! Mais tu pourrais avoir un peu pitié du pauvre blogueur: honnêtement, que veux-tu que j'écrive sur ce machin informe? que c'est mal écrit, mal filmé, mal photographié? et que quand je dis "mal", c'est presque un compliment? que le monteur s'est amusé à débiter des confetti? que le caméraman est parkingsonien? que le chef-op était victime d'une grève-surprise de l'EDF, aggravée par les pluies diluviennes de conditions météo déplorables? que j'ai passé trois visionnages d'une heure et demie (ouais, j'ai "Canal Décalé", à présent) à me cramer les rétines pour essayer de déchiffrer un enchevêtrement de formes indistinctes, tellement on n'y voit rien (1) et tellement le peu qu'on voit est emberlificoté par une inquiétante dyslexie narrative? Même les monstres sont mélangés, et il m'a semble entr'apercevoir une espèce de "Predalien" mal défini au milieu de ce gloubi-boulga de ficelles scénaristiques éculées… Tu me diras, ça devait arriver, à force de laisser toutes les franchises partouser impunément! Oui, je sais bien que le Vatican ne veut pas entre parler de capotes, mais il y a tout de même de ces cas où seule la castration demeure envisageable! En tous cas, merci aux Strause Brothers, réalisateurs champions de la prise de tête esthétisante à deux balles, qui ont réussi l'exploit de me réconcilier avec Paul W.S. Anderson, auteur d'un premier épisode pourtant déjà bien moisi (voir "Mollards d'Août 2006): c'est vrai que tant qu'on n'a pas fait l'expérience du pire, on ne connaît pas notre bonheur!

Note:

(1): Peut-être faut-il y voir (faute d'autre chose!) un hommage discret au lointain archétype "Alien" de Ridley Scott (1979), dont la photographie surfaite cultivait le même caractère "coloscopique"!

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.commeaucinema.com/bandes-annonces/aliens-vs-predator-requiem,71942

black_sheep_affBLACK SHEEP

de Jonathan King (2006)

De l'horreur néo-zélandaise, on n'en avait guère revue depuis qu'un certain Peter Jackson faisait des débuts assez fracassants dans la carrière avec une trilogie devenue mythique. Alignant coup sur coup "Bad Taste" (1987), "Les Feebles" (1988) et "Braindead" (1992), le désormais très respectable auteur du "Seigneur des Anneaux" révolutionnait alors le trash-movie à grand renfort d'un gore outrancier et rigolard, volontiers agrémenté de scatologie, pornographie, zoophilie, et j'en passe… Tous ingrédients que le compatriote et disciple Jonathan King reprend à son compte dans ce premier film, superbe hommage au Maître dont il parvient brillamment à restituer toute la juvénile potacherie. Assez curieusement, et en dépit de tous ses débordements irrévérencieux, "Black Sheep" semble revendiquer avec une certaine fierté une sorte d'"identité nationale" de l'horreur néo-zélandaise: principal sujet de son film, le mouton appartient en effet au patrimoine, au même titre que le rugby et la culture maori, et acquiert par là une valeur de symbole - ce n'était d'ailleurs pas pour rien que Peter Jackson s'amusait comme un petit fou à pulvériser des ovins au lance-roquettes dans une scène devenue culte de "Bad Taste"! Par ailleurs, "Black Sheep" aurait pu lui même s'appeler "Bad Taste", tant il frôle le bon goût sans jamais y tomber dans cette comédie tout aussi grinçante où le mouton, soudainement enragé, devient le principal prédateur de la race humaine suite à des manipulations génétiques. Tout comme Jackson, King manifeste un intérêt particulier pour les personnages bas de plafond, et rien ni personne n'est à sauver dans le casting de crétins qu'il met en scène. Parodiant les films de monstres à message gentiment écolo, il ironise au contraire assez cruellement sur le didactisme militant (et souvent hypocrite) de ce genre de productions, piétinant avec un bel entrain les fourmilières du politiquement correct à la Nicolas Hulot. Ainsi, les écolos de "Black Sheep" s'avèrent tout aussi cons que les industriels pollueurs et autres technocrates pervers, et je ne vous parle pas des rednecks du cru! Tout ce joli monde s'agite une heure et demie durant dans une sorte de slapstick hilarant où la tripaille tient lieu de tartes à la crème, et où les situations loufoques s'empilent au rythme des massacres délirants perpertrés par les moutons devenus anthropophages. Les SFX sont à l'ancienne et génialement approximatifs, ce qui est un façon pour King de situer son film en tant que vrai-faux nanar. On sent d'ailleurs derrière tout cela un amour immodéré de la série Z, ne serait-ce que par une volonté permanente de reproduire, par un amateurisme habilement simulé, l'ambiance des films de copains tournés à l'arrache tels que "Evil Dead" de Sam Raimi ou, bien évidemment, "Bad Taste". Hommage est également rendu à l'inévitable Romero, les malheureux mordus par les mutants se transformant à leur tour en moutons! Amateurs de cinoche décalé, outrancier et délirant, je ne crains pas de le dire: "Black Sheep" est pour vous absolument incontournable. Et puis de toutes façons, quand l'ovin est tiré…

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18799208&cfilm=125164.html

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L'ORPHELINAT (El Orfanato)

de Juan Antonio Bayona (2007)

Une fois de plus, la surprise vient de l'Espagne. Pendant que le reste du monde rivalise d'esbrouffe et sombre dans un tape-à- l'œil aussi creux que généralisé, le jeune Juan Antonio Bayona - poulain de Guillermo del Toro, ici producteur - nous balance en pleine gueule un premier film dont le classicisme n'a d'égal que la perfection. Délaissant tous les artifices du pop-corn movie, ce surprenant réalisateur pose des plans sublimes, enchaîne des mouvements de caméra époustouflants de pertinence, s'offre une photographie à tomber, bref parle le langage du cinéma pour nous gratifier d'un film de maison hantée qui fera date dans l'histoire du genre. Malheureusement pour lui, "L'Orphelinat" débarque derrière les non moins magnifiques "Les Autres" (Alejandro Amenábar - 2001), "L'Échine du Diable" (Guillermo del Toro - 2001 - voir "Mollards" de Mai 2007), et "Fragile" (Jaume Balagueró - 2005 - voir chronique éponyme), trois pointures qui restituaient au film de fantômes ses lettres de noblesse en préférant pareillement l'intimisme au grand-guignol. Cela explique peut-être que cette production, pourtant assez confortablement distribuée en France (pour une fois…) soit passée relativement inaperçue, alors qu'elle a littéralement cartonné de l'autre côté des Pyrénées, après avoir moissonné pas mal de prix dans les festivals spécialisés. Circonstance aggravante, "L'Orphelinat" tourne également autour du thème de l'enfant martyr, véritable obsession du cinéma fantastique ibérique - en particulier chez Balagueró … Pourtant, on aurait tort de soupçonner l'exploitation opportuniste et "américanisante" d'une quelconque mode ou d'un quelconque filon car, au-delà de cette similarité thématique sans doute culturelle, les scénars des différentes œuvres citées ont tous su contourner les clichés et les redondances pour proposer, chacun à sa façon, une approche très personnelle d'un sous-genre certes rebattu. "L'Orphelinat" ne fait pas exception à la règle, et l'écriture du film est suffisamment soignée et subtile pour court-circuiter cette impression de déjà-vu, au moyen notamment d'une foule d'idées réellement très originales. Bref, et en dépit des apparences, l'œuvre de Bayona est bien davantage qu'un film de fantômes de plus. Déjà, l'histoire est fortement teintée de mélodrame puisqu'il y est question d'une mère désespérée recherchant son fils leucémique mystérieusement disparu, apparemment happé par un monde de spectres qu'il est le seul à voir. Or, cette "mélodramatisation" du fantastique est également une spécialité espagnole, de même que la manière dont elle est opérée: suffisamment présente pour assurer l'implication et l'identification du spectateur en jouant sur le registre de l'émotion, mais jamais pesante au point de court-circuiter l'élément fantastique qui, au contraire, utilise cette même émotion pour surgir au niveau du réel. Ainsi, la disparition du fils et la présence de spectres semblent deux lignes narratives, l'une relevant du mélodrame et l'autre du fantastique, venant à se télescoper comme par accident, alors que toute la savante ambiguïté du script consiste à nous entretenir dans cette idée qu'il y a une relation de cause à effet. Par le fait, toutes les démarches rationnelles mettant en jeu la catégorie de causalité, telle la vague enquête policière qui est menée et qui n'aboutit qu'à des pistes avortées ne faisant qu'exacerber le mystère, seront vouées à l'échec. C'est également ce malentendu, entretenu par le script avec une perfection d'écriture quasi miraculeuse, qui amènera le twist final, d'une cruauté psychologique tout à fait insoutenable. Entre-temps, Bayona nous aura gratifié d'une quête aux fantômes émaillée de terrifiants morceaux de bravoure, avec pour point d'orgue une partie de un-deux-trois-soleil à vous faire dresser les cheveux sur la tête! Mais l'on peut également citer la très inquiétante chasse au trésor à laquelle se livre l'héroïne en compagnie des spectres, jeu de pistes surnaturel à la fois exaltant et angoissant dont tous les indices la ramènent à son enfance dans la sinistre bâtisse. Car c'est dans l'innocence retrouvée de ces jeux d'enfants que se révèlera le pire des savoirs, mêlant l'émotion à l'horreur. Un chef d'œuvre, rien moins!

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18792552&cfilm=128364.html

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DAY WATCH

(Dnevnoy Dozor: Mel Sudbi)

de Timur Bekmambetov (2006)

On nous en avait fait tout un patacaisse, de ce nouveau ciné fantastique qui cassait la baraque de l'autre côté de l'ex-rideau de fer, des millions de spectateurs, des recettes pulvérisées, du blockbuster qui y en remontre aux Ricains, patati, patata… Alors, dans un moment d'aberration, je m'étais fendu d'un fauteuil pour aller voir "Night Watch" (2004): un quart d'heure plus tard, je quittai la salle (ce qui doit m'arriver une fois par décennie) en me demandant s'il fallait vraiment se féliciter de la chute du Mur de Berlin… Sans vouloir faire une apologie mal venue de feu le régime soviétique, reconnaissez tout de même qu'avant, on avait Tarkovki, Protazanov, etc… et que désormais il faudra se contenter de… Bekmambetov!!! Ce qui, si vous arrivez à le prononcer, n'est pas un vain mot! Bien qu'ayant subi de manière exhaustive, durant ce quart d'heure de visionnage, tout ce que je ne peux pas blairer dans un certain cinéma de genre contemporain, j'ai tout de même prété une oreille imprudente à ces gens qui me disaient que c'était pas pro, ce genre de défection, que ça se faisait pas, et enfin que j'avais tout juste gagné le droit de fermer ma gueule concernant "Night Watch" - que je n'ai jamais chroniqué, notez bien, s'il vous faut encore des preuves de mon honnêteté… Mais entre-temps, voilà t'y pas que le père Dahan, très content de son coup foireux, avec son sourire de provocateur des mauvais jours, et nous présentant la "chose" comme deux heures de portnawak déglingué, nous programme "Day Watch", second volet de la trilogie bekmambetovienne (désolé!). Ce coup-ci, je m'impose l'épreuve masochiste de le regarder jusqu'au bout - ce qui n'apporte rien de plus aux conclusions que j'avais tiré de ma brève et précédente expérience - et je conquiers haut la main le droit d'en dire tout le mal que j'en pense. D'autant que depuis, je me suis farci également l'imbuvable "Wanted" (2008), dernier opus bekmambetoviste (on s'en lasse pas!) tiré du comics de Mark Millar et J.G. Jones, et que je suis encore tombé sur un bek qu'a fait rien que de m'embêtov - et je suis poli! À présent qu'on a fini de me faire chier avec des considérations déontologiques, donc, je suis enfin liiiiiibre de vous dire que les films de Bekmambemachinchosev incarnent avec brio la macdonaldisation intensive de la nouvelle Russie. Faut-il que le peuple ait été culturellement paupérisé pour faire un triomphe - à moins qu'il ne s'agisse de propagande à l'ancienne? - à ce monument d'esbrouffe visuelle, qui recycle sans vergogne tout ce que le blockbuster ricain a pu produire de plus pourri, de "Matrix" à "Underworld"! Tout y est: caméra épilleptique… montage-confetti… acteurs tellement poseurs qu'ils en oublient de jouer… gunfights où on sait plus qui flingue qui mais on s'en fout tant que ça fait du bruit… bastons où l'on grimpe aux murs en faisant des saltos arrière au ralenti… poursuites interminables avec cascades où les motos grimpent sur les camions, tandis que le perchman culbute le cameraman en levrette parmi les chutes de pellicule, sous l'objectif d'un réalisateur qui se regarde filmer avec complaisance et qui accumule les lieux communs visuels avec l'air inspiré de celui qui a une idée de génie à chaque plan… scénar sac de nœuds gribouillé par un pied gauche qui pue, et qu'on essaie de nous faire avaler avec une phraséologie à la grandiloquence typiquement watchowskienne, du genre de celle qu'on peut lire sur l'affiche: "la lumière devient l'ombre, le passé devient le futur, la nuit devient le jour", bref c'est le bordel et moi je m'arrête là, parce que je vais devenir méchant…

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.foxsearchlight.com/daywatch/

nuit

"Alien vs Predator": 100 % sous-exposé...

cadrage

...cadré à l'emporte-pièce...

auto_stop

...tourné dans des conditions météo déplorables...

n_importe_quoi

...quelque part entre le "Schmilblic" et l'"Objet mystérieux"!

broutage

"Black Sheep", où les moutons broutent la flore intestinale!

sheepman

La déplorable affaire du mouton-garou!

oreille

On le lui avait pourtant dit, de ne pas laisser traîner ses oreilles!

maison

"L'Orphelinat" dans toute son inquiétante majesté...

fillette

Des plans superbes...

masque

Des spectres angoissants...

g_raldine

Geraldine Chaplin, égérie du cinéma espagnol des seventies

tronche

"Day Watch": ah il a bonne mine, le cinéma fantastique russe!

moto

Des chevaux sous le capot, et des bourrins plein les salles!

tape___l_oeil

Des lieux communs visuels, filmés par un trou de balle!

hache

C'est bien ici le plateau de "Day Watch"? Je viens pour le montage!

salto

Oui ben moi, ça m'a pas fait grimper au mur!

28 novembre 2009

SEANCE INTERDITE (Fév 2009)

Vu à la télé

SÉANCE INTERDITE (Février 2009)

Comme vous le constatez, je continue bon an mal an à rattraper mon retard. Adonc, voici le programme: pour commencer, vous allez avoir droit à un rattrapage intensif des fameuses "Séances interdites" de Canal depuis le début de l'année, ce qui devrait prendre l'espace de quatre chroniques, car mine de rien, le père Dahan nous a offert de Février à Août un panorama de la série B contemporaine tout à fait représentatif de la déviance actuelle, avec une poignée de petits films bien agités du bocal de formol, tels qu'on n'en voit plus trop dans nos salles frigides. En somme, tout se passe comme si l'homme occupait désormais la place laissée vacante par nos regrettés cinémas de quartier. Allez, on léchouille son Kim-Cône et on dépiaute ses Chocorêve, c'est parti pour une bonne orgie de bis qui décoiffe!

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THE STRANGERS

de Bryan Bertino (2007)

La série B, il s'en tourne chaque mois des palanquées, les amateurs de cinéma de genre s'avérant décidément insatiables, et les cinéastes débutants y trouvant l'occasion de fourbir leurs premières armes. Dans cette profusion quasi inépuisable, l'originalité n'est pas souvent au rendez-vous, les producteurs et auteurs préférant démarquer avec opportunisme les succès du box-office du moment, ou encore appliquer des recettes sur-éprouvées plus ou moins remises au goût du jour. "The Strangers" ne fait pas exception à la règle, et raconte une histoire mille fois vue: en l'occurrence celle d'un couple en week-end dans une maison isolée, persécuté par une bande de tueurs dégénérés bien décidés à avoir la peau de nos héros. Mais rien ne sert de courir et, durant 1h30, le novillero Bryan Bertino - également scénariste - va jouer avec ses proies comme un vieux matou sadique. Pour tout dire, cette production ricaine rappellera furieusement aux fantasticophiles que vous êtes le remarquable premier opus de notre tandem national Palud / Moreau, j'ai nommé "Ils" (2005) qui racontait sensiblement la même aventure. Mais là où ce dernier se donnait, ainsi que j'ai pu l'écrire ("Mollards" d'Août 2007), comme un exercice de style extrêmement virtuose dans sa forme, "The Strangers" s'avère quant à lui une œuvre autrement plus viscérale et, partant, une série B horrifique hautement recommandable. À tel point que je serais tenté de parler de "cinéma d'exploitation auteurisant" - si toutefois ce paradoxe peut vous évoquer quelque chose… On ne saurait trop dire à quoi tient le petit miracle qui se déroule devant nos yeux, mais les faits sont là: en dépit de la trivialité de son sujet, Bertino nous aggripe d'une poigne de fer et sait nous garder accrochés jusqu'aux ultimes minutes d'un climax assez hallucinant de cruauté. De la même façon qu'une blague sera drôle ou non selon que celui qui la raconte saura en faire jaillir le potentiel humoristique, "The Strangers" filmé par un autre nous eût sans doute considérablement emmerdés. Mais Bertino sait avec une indéniable maîtrise y imposer une forte personnalité et exprimer toute la substantifique moëlle anxiogène d'un scénario au demeurant remarquablement écrit et détaillé, tout en contournant les facilités racoleuses habituelles du genre. Je ne saurais vous dire d'où sort ce brillant et jeune réalisateur, mais en revanche, il me semble évident que l'homme a goulûment tété la mamelle carpentérienne, comme peuvent témoigner nombre de résurgences éminemment halloweenesques. Entre mille choses, il s'agit d'un "film de siège" (sous-genre obsessionnel de Carpenter) dans lequel le potentiel angoissant des lieux n'émane non pas d'un quelconque gothisme annoncé à coups de toiles d'araignées, mais au contraire de leur banalité rassurante - du moins en principe… Ensuite, on notera la dépersonnalisation glaciale des prédateurs dont les masques inexpressifs (traits sommaires de poupées de porcelaine, sac en papier percé de deux trous…) renvoient à la neutralité impénétrable de Michael Myers. Ils occupent d'ailleurs l'espace à la manière à la fois fantômatique et implacable du célèbre boogeyman, surgissant de derrière un tronc d'arbre ou traversant les arrière-plans de façon fugace, pour s'évanouir de façon tout aussi surnaturelle, laissant derrière eux des indices menaçants… La personnalité des tueurs dont nous ne sauront rien, qu'il s'agisse de leurs statuts, origines ou motivations, se réduit au signe unique de leur folie meurtrière, et du choix apparemment arbitraire de leurs victimes, qui rencontreront leur funeste destin sans jamais y comprendre rien. Pas plus que nous d'ailleurs, ce qui renforce notre empathie à leur égard. Bien qu'appartenant à un sous-genre à la fois très fréquenté et hyper codifié, "The Strangers" tire son épingle du jeu par sa cruauté, son cynisme et sa noirceur désespérée. Quoi qu'il en soit, il vaut largement le détour, voire que l'on s'y attarde…

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18911939&cfilm=118948.html

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FRONTIÈRE(S)

de Xavier Gens (2007)

Le survival est un genre particulièrement fréquenté dans le cinéma européen, et en particulier en France, à tel point que le fantasticophile de nos contrées commence à en ressentir une certaine lassitude: on peut citer les récents "Vertige" (Abel Ferry - 2008) et "Humains" (Jacques-Olivier Molon & Pierre-Olivier Thévenin - 2008), mais également, parmi les films qui ont lançé la "nouvelle vague" du fantastique francophone, "Haute Tension" (Alexandre Aja - 2002 - voir "Mollards" d'Août 2008), "Calvaire" (Fabrice Du Welz - 2004), et bien sûr "Frontière(s)". En même temps, les producteurs et distributeurs français (air connu) sont d'une telle frigidité vis à vis du cinéma horrifico-fantastique que ça ne laisse pas trop le choix aux réalisateurs du genre: étant donné qu'ils ne croulent pas sous les moyens, soit on enferme ses acteurs dans un huis-clos, soit on les balance en pleine cambrousse avec une quelconque menace aux fesses. En quoi le survival est le genre idéal pour faire ses preuves à moindre coût, sans s'emmerder avec des décors ou des SFX hors de prix. D'où sa profusion non seulement française mais européenne, avec notamment une surproduction bisseuse venue d'Outre-Manche, mais aussi l'apparition sur le marché d'un survival scandinave, avec des films tels que "Cold Prey" (Roar Uthaug - 2006) ou "Manhunt" (Peter Syversen - 2008). Sur un canevas par conséquent interchangeable, chacun essaie donc de tromper les attentes d'un public blasé en apportant sa propre spécificité scénaristique, le gimmick "auquel il fallait penser" et qui fera que tel ou tel survival lavera plus rouge que ses innombrables concurrents. À ce petit jeu, Xavier Gens, ex-assistant de Tsui Hark et Ringo Lam dont "Frontière(s)" est le deuxième long, est loin de démériter. On évitera de parler du visuel d'une affiche quelque peu racoleuse qui, pour le coup, fait vraiment penser à une pub pour lessive (1), et on portera plutôt son attention sur ce que Gens à imaginé pour accrocher le chaland d'un point de vue scénaristique. Dans un proche avenir, l'extrême-droite est sur le point d'arriver au pouvoir: cool, se dit-on, un survival de politique-fiction, voilà un truc que personne n'a encore fait… Sauf que cette piste va tourner court au bout de cinq minutes et s'avérer parfaitement absconse d'un point de vue narratif. Gens expliquera çà et là qu'il s'agit du reliquat d'un scénario finalement abandonné, ce qui expliquerait que ce contexte socio-po n'ait pas grand-chose à voir avec la choucroute. C'est dans ces conditions qu'une bande de bras cassés, très connotés cailleras, tente un casse calamiteux qui tourne très rapidement à la déconfiture. Les voilà donc en cavale en rase-campagne, avec une saccoche de pognon et pas mal de plomb dans l'aile. Ainsi échouent-ils dans l'inévitable bled paumé, dans une auberge où ils trouvent gîte délabré et couvert avarié, prodigués par une famille de nostalgiques du nazisme au cariotype perturbé. À partir de là, la traque et le massacre peuvent commencer, et il faut bien reconnaître que Xavier Gens nous en donne largement pour nos thunes. Il réussit notamment un vrai coup de maître en plaçant, dès le début des hostilités, une séquence claustrophobique comme on en a peu vues au cinéma, et qui va conditionner le spectateur pour le reste du métrage avec une efficacité diabolique. Positivement traumatisante, la scène nous montre deux des protagonistes, acculés dans une carrière, pénétrer dans une faille et s'engager dans un boyau des plus étroits. Leur laborieuse progression au travers de la masse rocheuse qui les oppresse de toutes parts est filmée en caméra frontale, dans un éclairage chiche et vacillant. La panique hystérique de ces vers de terre improvisés, qui va croissant au fur et à mesure qu'ils s'enfoncent dans l'inconnu et s'enterrent vivants, ne tarde pas à devenir communicative et je dois vous avouer que je me suis surpris à chercher désespérément de l'air, engoncé dans les coussins de mon canapé, tout au long de cette séquence interminable et suffocante. Rarement on aura vu un cinéaste développer un tel sadisme envers son public: spasmophiles et asthmatiques s'abstenir, il en va de votre vie! Dès lors, le spectateur va aller au bout du film en appréhendant chaque nouvelle séquence, tant Gens l'a mis dès l'abord dans un état de stress durable. Pour ce qui est du développement, le fantasticophile quelque peu roué sera tenté de déplorer une certaine roublardise chez le réalisateur: atmosphère revendiquée à la "Massacre à la Tronçonneuse", via un filmage et un montage chaotiques particulièrement réussis dans la forme, mais surtout exploitation opportuniste de la mode du "torture-flick", initiée par la série des "Saw" et autres "Hostel", et qui semble animée par une volonté inébranlable et permanente de damer le pion aux Ricains sur leur propre terrain, notamment au travers d'un déluge de gore dispensé avec une remarquable prodigalité, et d'une inventivité parfois stupéfiante - exemple de ce raffinement exquis: tailladage des tendons d'Achille au coupe-boulons, pour empêcher les victimes de fuir! Certes, on ne manquera pas de crier à la complaisance, et on aura raison. Mais, d'un autre côté, le bis n'est-il pas le cinéma de l'outrance? À cet égard, réinvestissant une culture du cinéma de genre que l'on subodore considérable, Xavier Gens en fait des caisses pour la plus grande joie des geeks que nous sommes, et il faut reconnaître qu'il le fait bien, le bougre! Bien que parcourant les sentiers battus du gore, du torture-flick et du survival, il n'en demeure pas moins que le réalisateur finit par trouver sa petite musique personnelle et à sortir son film du lot, ne serait-ce que par l'élaboration d'une atmosphère tellurique particulièrement éprouvante: pétri de boue, de sang, de sueur, de crasse et de merde, "Frontière(s)" ressemble dans sa forme à une impitoyable régression jusqu'en les recoins les plus obscurs de notre atavisme, dont les éventuels survivants ne sortiront qu'au prix de leur humanité, en assumant sans condition de se vautrer dans cette fange primitive et dionysiaque.

Note:

(1): Je m'empresse d'ajouter que Gens n'est absolument pas responsable du visuel de cette affiche, puisque le texte en caractères énormes mettant le spectateur en garde et faisant allusion à des "scènes de boucherie" lui a été imposé par la Commission de "Classification". Le fait même que l'affiche puisse paraître racoleuse, pour les spectateurs qui ignorent le détail de l'affaire, prouve une fois de plus (si besoin en était) la profonde stupidité des censeurs. En effet, l'argument mobilisé, censé dissuader les gens d'aller voir le film, devient au contraire un véritable slogan publicitaire (du type: Xavier Gens vous en donne plus!) auprès des fans de cinoche horrifique - qui constituaient de toutes façons le public ciblé - et contribue à mettre "Frontière(s)" en relief par rapport à la masse des nombreux produits similaires. Soit: le résultat inverse de celui escompté! Parmi les cas historiques célèbres, citons "Massacre à la Tronçonneuse" (précisément!) et le "Zombie" de Romero qui, au-delà de leurs qualités intrinsèques, devinrent de véritables cultes suite à leur interdiction pure et simple durant les années Giscard!

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18791416&cfilm=110711.html

Voir également la chronique de l'ami Kitano Jackson:

http://kitanojackson.canalblog.com/archives/2007/11/02/6747832.html

masques

"The Strangers": un petit côté "Nuit des Masques"

sac___papier

Sabre de bois! Sac en papier!

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Liv Tyler en mauvaise position!

porte

Voir et entrevue!

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Une appréhension carpentérienne de l'espace

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Une affiche alternative qui annonce ses références

boue

"Frontière(s):

pétri de boue, de sang, de sueur, de crasse et de merde!

gore

"Son coeur pleure, mais sa bouche rit" (B. Lapointe)

doigts

Vous reprendez bien deux doigts de gore?

red

Red is beautiful!

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Bref: un Bihan positif!

30 octobre 2009

ET POUR QUELQUES MOLLARDS DE PLUS... (Oct 2009)

Fin de mois

ET POUR QUELQUES MOLLARDS DE PLUS...

(ou: "Les chroniques auxquelles vous croyiez pouvoir échapper!")

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Vu à la télé

IL ÉTAIT UNE FOIS (Enchanted)

de Kevin Lima (2007)

Quand les studios Disney s'autoparodient, ça donne "Il était une Fois", inoffensive bluette bien propre sur elle qui se moque gentiment de ces contes de fées qui constituèrent jadis leur fonds de commerce et, il faut bien le reconnaître, le creuset de leurs plus belles réussites. Ça commence en tant que dessin animé labélisé Oncle Walt, avec tout ce qu'il faut - nunuche romantique, prince charmant, méchante reine sorcière, gentils animaux de la forêt, traître patibulaire et chansons insupportables de mièvrerie - et ça se poursuit en tant que vrai film live, la méchante reine sus-citée expédiant la nunuche dans le monde réel, où ne tardent pas à la rejoindre le prince, le traître, ainsi qu'un écureuil en CGI vraiment très meuuuugnon! Le propos initial est évidemment de confronter le monde cynique de la réalité new-yorkaise à l'univers idyllique des contes de fées, et d'exploiter ce décalage sur le mode du comique de situation. Certes la comédie est bien enlevée (c'est produit par Barry Sonnenfeld) mais, comme on est chez Disney, la réalité qui nous est dépeinte ne tarde pas à transcender son aspect quelque peu rugueux pour basculer dans un fantasme de ménagère où tout le monde il est gentil et prompt à s'organiser en comédie musicale dès que la princesse pousse la chansonnette - et là, j'en profite pour vous prévenir: la BO est tout à fait digne du répertoire de Céline Fion! Le tout s'achève sur un chassé-croisé amoureux qu'on aura vu venir des kilomètres à la ronde, les scénaristes ayant chaussé leurs gros sabots de sept lieues, avec en prime un final en forme de parodie de "King Kong" version féministe. Bref, ce pastiche à l'insolence autoproclamée reste très bon enfant et finalement bien peu transgressif, principalement du fait d'un procédé assez putassier qui ne feint de mettre à mal les clichés que pour mieux les réaffirmer.

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Vu à la télé

RESIDENT EVIL: EXTINCTION

de Russell Mulcahy (2007)

Bien qu'il y en ait un peu marre des "Resident Evil" à répétition, et que vous sachiez ce que je pense des adaptations sempiternellement foireuses de jeux vidéo, je vais essayer de positiver. En effet, alors que tous ses prédécesseurs étaient tout simplement irregardables, "Extinction" reste possible comme film du samedi soir, et parvient même par moments à acquérir un certain souffle. Il est vrai que l'exécrable Paul W.S. Anderson en a laissé tomber la mise en scène (brusque accès de lucidité?) au profit de Russel Mulcahy, lequel filme de façon plutôt convaincante les grands espaces désertiques de notre pauvre monde une fois de plus recouverts de zombies - pardon: de "contaminés", on ne sait plus comment les appeler de peur d'être comparé à Romero! Bref, le papa du "Highlander" réussit à faire de cette séquelle convenue une sorte de western post-apocalyptique assez épique, et ce nonobstant un script prévisible à en pleurer. Et pour cause: l'auteur n'est autre que le sus-dit Anderson, qui n'est sorti des couloirs de Racoon City que pour multiplier les plagiats en prenant l'air inspiré du mec qui aligne des références. Tout cela est bien beau, mais on ricane tout de même pas mal à la vision de ce "Mad Max chez les Zombies" dans lequel une Mila Jovovich toujours aussi poseuse nous présente les tendances de la mode post-nuke: petit short moulant et porte-jaretelles, idéal pour kicker la face des zomblards - et au ralenti, s'il-vous-plaît! Pour le reste, c'est la pénurie d'essence, et les survivants ont bien du mal à faire rouler leurs véhicules customisés, ceci dit pour vous montrer à quel point on innove… Lorsqu'il ne va pas chercher son inspiration chez George Miller, le script d'Anderson replonge fatalement chez Romero, avec un savant fou torturant des zombies au fin fond d'un complexe souterrain, comme dans "Le Jour des Morts-Vivants" (chroniqué en ces pages), et pousse le bouchon jusqu'à nous servir un clône de Bub qui, s'il ne se rase pas en écoutant Beethoven sur son walkman, n'en sait pas moins se servir d'un portable et d'un appareil photo numérique! Mais le comble est atteint lorsqu'on nous ressert "Les Oiseaux" d'Hitchcock via une attaque aérienne de corbeaux-morts-vivants! Bref, et en dépit des efforts méritoires de Mulcahy, ce recyclage perpétuel cesse rapidement de nous amuser pour nous agacer sérieusement. Le foutage de gueule, ça va cinq minutes…

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D-WAR: LA GUERRE DES DRAGONS

(Dragon Wars)

de Shim Hyung-rae (2007)

Ah! que voilà du nanar d'enfer comme on aimerait en voir plus souvent, un vrai keiju-eiga à la coréenne qui fleure bon l'âge d'or nippon des grosses bébêtes qui montent à l'assaut des maquettes, l'époque bénie des Inoshiro Honda et autre Jun Fukuda qui nous faisaient tant rêver dans les feus cinémas de quartier. Certes, les acteurs en costumes tout plissés de dinosaures mutants ont disparu et les CGI ont pris le relais, mais le feeling est toujours là, dans cette improbable histoire où un méchant serpent géant dévaste les métropoles à la recherche d'une jeune fille qui détient un pouvoir particulier, grâce auquel il pourra se transformer en "dragon supérieur" et augmenter sa productivité dans le bousillage de mobilier urbain. Pour l'aider dans sa quête, une armée de redoutables guerriers, flanqués de ptérodactyles cracheurs de feu et d'espèces de tortues géantes équipées de missiles, se lance à l'assaut de nos cités décidément bien éprouvées, sous les ordres d'un simili-Dark Vador qui semble tout droit sorti d'un épisode des Power Rangers! Bref, du vrai nanar qui s'assume et ne craint pas de craindre, pour le plus grand bonheur des nostalgiques de Godzilla. Avec de vrais morceaux de bravoure dedans, comme ce combat aérien qui oppose les volatiles lance-flammes à une escadrille de l'Air Force, laquelle assure même l'inévitable citation de "King Kong" en affrontant le reptile enroulé autour d'un gratte-ciel cyclopéen. Enfin, heureusement, il existe également un gentil serpent géant qui viendra in fine mettre un peu d'ordre dans tout ce boxif, ce qui nous vaudra un combat final entre les deux reptiles, ressemblant à s'y méprendre à un plat de linguine bolognaise! En tous les cas, moi j'en redemande - avec un peu de parmesan, si possible…

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Vu à la télé

OUTLANDER, LE DERNIER VIKING

(Outlander)

de Howard McCain (2008)

Voilà le genre de produit roublard et opportuniste surfant sur la mode du film de vikings sur-esthétisant, initiée par "Le treizième Guerrier" du classieux John McTiernan (1999) et prolongée par le chichiteux "Pathfinder" de Marcus Snipel (2006). Histoire de brouiller un peu les pistes, on nous propose ici un mélange de genres relativement inédit entre science-fiction et film guerrier à la Conan. En effet, il est question d'un extraterrestre de forme parfaitement humaine (même pas l'ombre d'un petit doigt en l'air!), issu d'une civilisation fort avancée de conquérants intergalactiques, qui fait naufrage sur Terre quelque part en Norvège à l'Âge de Fer. Le problème, c'est qu'il amène avec lui un "Mogwen", c'est-à-dire une sorte de dragon qui peine à cacher une évidente parenté avec le bon vieil Alien… Après moult rites d'initiation, notre héros (interprété par le maso John Caviezel) n'aura donc d'autre choix que de s'allier aux indigènes pour livrer un interminable combat au bestiau, dans une épopée qui se veut transposée (one more time!) de la geste de Beowulf. Malgré une réalisation et une narration efficacement ficelées, "Outlander" ne manque pas d'agacer par une utilisation systématique de tous les procédés à la mode du blockbuster à la con: pénombre bleutée omniprésente de rigueur (ou rougeoyante pour les intérieurs, c'est selon…), shaky-cam épilleptique avec surdécoupage dès que l'action s'emballe un peu, et je ne vous parle pas des conventions de scénario, multipliées au point qu'on a l'impression de suivre un parcours fléché menant d'un poncif à l'autre… Dommage car, en dépit de tous ces défauts, "Outlander" ne manque pas d'un certain souffle épique, porté par des valeurs sûres comme John Hurt et Ron "Hellboy" Perlman, et constitue un film d'aventure qui se regarde sans trop d'ennui. Mais bon, on ne va pas non plus demander à un yes-man de montrer de la personnalité…

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http://www.commeaucinema.com/bandes-annonces/outlander-le-dernier-viking,93891

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Comics

WALKING DEAD #8:

"Une Vie de Souffrance"

par Robert Kirkman & Charlie Adlard

(Delcourt - Mai 2009)

Je vous avait prévenus, que ça allait chier grave! Ben voilà, on y est… Dans mes premières chroniques sur ce comics hors normes ("Mollards" de Septembre 2007), à l'époque où la petite communauté se traînait encore sur les routes, j'avais proposé un certain parallèle entre "Walking Dead" et ces vieux westerns de John Ford où de longues caravanes de pionniers partaient à la conquête de l'Ouest à travers un territoire hostile de la taille d'un continent - certains personnages de Kirkman ne se privant d'ailleurs pas d'évoquer une "reconquête" de l'Amérique. Quand Ford ne lançait pas ses personnages sur les pistes, il les enfermait dans un fort inlassablement harcelé par des hordes d'Indiens peinturlurés et gesticulants: ce fut exactement ce qui se passa lorsque les héros de "Walking Dead" trouvèrent asile dans une prison désaffectée, où ils devaient demeurer durant plusieurs volumes. Jusque là, comme chez Ford, l'adversité fonctionnait comme un révélateur d'humanisme, plaçant les protagonistes dans une dialectique solidarité / individualisme et donnant ainsi l'occasion d'une étude de caractères approfondie - principal atout du script de Kirkman. Bien que l'on retrouve la notion d'héroïsme chère à John Wayne - certain personnage et non des moindres n'hésitant pas à se sacrifier pour sauver ses congénères - la mort n'a ici rien de glorieux, puisque les héros voient leur cadavre jeté aux zombies. C'est qu'entre temps, on est repassé de Ford à Romero, l'autre référence de "Walking Dead", et désormais tout le monde se massacre, voire se suicide, dans un joyeux bordel sanglant. Les héros les plus emblématiques reprennent leurs billes et se tirent des pattes, tout éclate, les clans comme la cellule familiale. Non contents de s'affronter de survivants à survivants, les protagonistes finissent par se bousiller entre membres d'une même tribu, sous l'œil tranquille des zomblards qui y gagnent une bonne provision de barbaque fraîche. À la fin de ce tome 8 (#43 à 48 dans la parution US), où l'on nage littéralement dans le massacre hard-core, le paysage scénaristique se retrouve considérablement nettoyé, puisque la plupart des personnages sont morts. Quant aux autres, ils auront été abandonnés en cours de route sur des cliffhangers ne présageant rien de bon… L'ultime spash-page du volume laisse pareillement Rick et son fils dans une position périlleuse, mais annonce surtout que la saga a pris là un tournant radical. Et l'on se dit qu'il serait bien possible que les héros fatigués passent un jour le relais, et que ce comics-fleuve s'achève (à supposer qu'il se termine un jour, ce qui n'est pas dans les intentions immédiates du scénariste…) avec des héros totalement différents de ceux avec lesquels il avait commencé, tant il est vrai qu'après cet éprouvant volume, on a l'impression que Kirkman est capable de tout pour nous prendre au dépourvu et nous secouer le lard…

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Vu à la télé

LA GUERRE DES MONDES

(War Of The Words)

de David Michael Latt (2005)

Fondateur de "The Asylum", l'une des plus prolifiques boîtes indépendantes de production de séries B destinées au cable et au marché DVD, David Michael Latt y cumule également les fonctions de réalisateur, producteur et scénariste, comme c'est le cas sur cette énième version du classique de Wells. Pur produit d'exploitation, cette relecture cherche évidemment à surfer sur le succès du blockbuster de Spielberg sorti l'année précédente (voir "Mollards" de Janvier 2007) tout en cherchant à le concurrencer: en effet, le Wonderboy ayant livré une version pour le moins très personnelle où l'invasion extraterrestre était surtout le prétexte à la rédemption d'un personnage irresponsable, Latt revient aux sources du roman, un peu comme s'il contestait quelque part l'iconoclasme de la lecture spielbergienne. Loin d'égaler à cet égard la somptueuse version de 1953 de Byron Haskin (voir rubrique "La Guerre des Mondes"), Latt n'en respecte pas moins la lettre en en exécutant les figures imposées (le cratère, la longue errance, l'attaque de la maison isolée, etc…), tout en y apportant certaines retouches de son cru, et pas toujours du meilleur effet. À ce propos, on oubliera les séquences consacrées à un militaire fanatique, qui n'apportent strictement rien à la dramaturgie, pour se reporter sur un épisode longuement exploité par le roman de Wells, et curieusement zappé dans les deux autres versions citées, à savoir la rencontre avec le pasteur obsédé par la perte de sa foi. Las, la réintroduction de ce personnage assez antipathique traîne en longueur et s'abîme dans un prêchi-prêcha interminable et redondant concernant les desseins de Dieu, ce qui ne manque pas de plomber encore un peu un film par ailleurs beaucoup trop bavard. Dommage car, par moments, on est presque séduit par le soin apporté à la caractérisation des personnages, démarche assez rare et inhabituelle dans le cinéma d'exploitation. Mais à trop insister, Latt finit par accoucher d'un film long, sentencieux et statique - ce qui est un comble lorsqu'on relate une errance! En effet, pour ce qui est des scènes d'actions, on était en droit se s'attendre à quelque chose de mieux que quelques apparitions sporadiques de pseudo-tripodes rappelant furieusement (exploitation oblige) les insectes du "Starship Troopers" de Verhoeven (1997), dans une version beaucoup plus rudimentaire faite de CGI laborieuses.

Cliquez sur le lien pour voir un extrait:

http://www.youtube.com/watch?v=uGcHH-Oj-S0

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Vu à la télé

EARTH VS THE SPIDER

de Scott Ziehl (2001)

Quand j'ai vu le trailer sur NT1, je me suis dit: noooon! ils ont quand même pas osé faire un sous-Spiderman à deux balles, la bande de "Creature Features"! (1) En tous cas, c'était présenté comme tel, quoique ce DTV ait été tourné un an avant le blockbuster de Sam Raimi. De plus, le héros de ce nanar très réjouissant s'avère être un fan de comics, et en particulier de "The Spider Avenger", personnage arachnoïde doté de six bras rappelant furieusement l'étrange mutation subie par Peter Parker dans "Amazing Spider-Man" #101 (2). En fait, les scénaristes, qui sont de sacrés plaisantins, ont habilement brouillé les pistes… En effet, si le film débute en tant que sous-Spidey avec un héros timide, brimé et régulièrement humilié, qui va gagner des pouvoirs extraordinaires (super-force, émission de toile, super-sens, etc…) après s'être injecté le sang d'une espèce très rare d'araignée, pour entamer une carrière de justicier en dérouillant les petites frappes, on attendra en vain de le voir enfiler un collant multicolore pour se colleter avec un vilain à sa mesure. Car, à mi-film, l'histoire bascule totalement et notre homme-araignée, devenu fou, subit une série d'horribles mutations qui vont faire de lui un monstre des plus dangereux… À partir de là, on entre dans un démarquage cheap de "La Mouche" de Cronenberg (1986). Mais l'affaire n'est pas si simple car, de par son titre même, "Earth vs The Spider" rend hommage à un film éponyme (3) que réalisa en 1958 Bert I. Gordon, l'un des grand maîtres du nanar estampillé guerre froide, sorte de sous-Tarentula qui fut mis en chantier pour concurrencer "La Mouche noire" de Kurt Neumann, sorti la même année, et dont la délicieuse morbidité fit un tabac au point d'engendrer deux séquelles. La boucle est ainsi bouclée, puisque vous n'êtes pas sans savoir que "La Mouche" de Cronenberg est le remake du film de Neumann. Au-delà d'un nanar ma foi pas trop mal réalisé, "Earth vs The Spider" version 2001 se donne donc également comme une œuvre très référentielle s'adressant surtout aux geeks amoureux des comics Marvel (4) et des vieux films de monstres en noir et blanc des années 50. À ce niveau-là, c'est un vrai régal.

Notes:

(1): "Creature Features" est une boîte produisant des DTV de pure exploitation, créée entre autres par le célèbre maquilleur Stan Winston, d'ailleurs producteur de "Earth vs The Spider".

(2): Trouvable dans le volume "1971" de l'intégrale Spider-Man publiée chez Panini. Par ailleurs, voir la version hilarante que nous en donne notre ami Bruno dans l'iconographie de la chronique qui lui a été consacrée.

(3): "Earth vs The Spider" version 1958 fut également projeté dans les drive-in sous les titres "The Spider" et "Earth vs The Giant Spider". Inédit en France, le film fut à l'époque distribué en Belgique en tant que "L'Araignée Vampire".

(4): À noter que le chien du héros se nomme "Thor"!

Cliquez sur le lien pour voir la présentation du DVD:

http://www.youtube.com/watch?v=9hS5sDjQTPo

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"Il était une fois": le gentil Prince Charmant vs la vilaine Grosse Pomme!

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"Resident Evil": la vilaine Jovovitch défile dans le vilain désert!

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Le vilain serpent de "D-War"!

outlander

Le vilain dragon aliénisé dans le vilain rougeoiment d'"Outlander"!

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Les vilains massacres de "Walking Dead"

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La vilaine araignée qui se prenait pour une vilaine mouche!

Conclusion:

Encore une vilaine chronique de torchée!

10 octobre 2009

TRASH (Déc 08)

Vu à la télé

TRASH (Décembre 2008)

Bon, inutile de me le rappeler, j'ai plein de retard à rattraper. D'où cette séance "Trash", qui date de presque un an, mais que j'ai tout de même tenu à chroniquer, pour deux raisons: d'abord parce que c'est la dernière en date qu'on ait vu sur Arte, et je crains fort que désormais, il nous faille faire notre deuil de ces magnifiques spectacles décalés; ensuite, parce que s'il s'agit de la dernière, en revanche ce ne fut pas la moindre, comme disent nos amis anglo-saxons, et comme vous allez pouvoir en juger. Un bouquet final qui a tout d'une apothéose.

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KARAOKE TERROR

(Shôwa Kayô Daizenshû)

de Tetsuo Shinohara (2003)

Au hit-parade de la déjante, force est de reconnaître que le cinéma japonais occupe une bonne place. De Tsukamoto à Miike, en passant par Kurosawa-le-Jeune, voire par Kitano qui, en dépit de son statut d'"auteur sérieux", n'est pas en reste dès qu'il s'agit de taper de gros délires, on demeure tout de même assez admiratif devant l'inspiration inépuisable des cinéastes nippons en matière de production d'œuvres décalées. "Karaoke Terror" en est un exemple frappant: s'appuyant - ou plus exactement feignant de s'appuyer - sur le thème ô combien rebattu de la vengeance stérile, Tetsuo Shinohara en donne un traitement d'une originalité telle qu'on n'ose même pas en rêver dans notre trop consensuel Occident. Il en résulte un spectacle total et bigarré, créatif à chaque plan, photographié avec des couleurs de fête foraine, qui explose dans toutes les directions comme un magnifique spectacle pyrotechnique, où l'on est en permanence pris au dépourvu par des développements scénaristiques totalement imprévisibles et extrêmement réjouissants pour peu que l'on sache goûter le tragique non-sens de la vie. Car "Karaoke Terror" se donne avant tout comme une tragédie somme toute très classique, sauf qu'elle est déclinée avec ce genre de loufoquerie dont seuls les plus grands pince-sans-rire sont capables - un peu comme Maldoror se targuant d'"énoncer avec solennité les propositions les plus bouffonnes". Ainsi, on a l'impression d'assister à l'un de ces faits divers qui, pour déplorables qu'ils soient, n'en suscitent pas moins une irréprescible hilarité par le fait même d'une démesure quasi surréaliste. Or, s'il y a une chose dont "Karaoke Terror" ne manque pas, c'est bien d'outrance! Il n'est que de constater la gradation délirante d'un script dans lequel l'escalade aveugle de la violence démarre mezzo-vocce sur un meurtre à l'arme blanche pour aboutir sur le fortissimo d'un holocauste nucléaire - ceci après être passé par divers stades intermédiaires dont je vous laisse la surprise... À tel point que l'on sera tenté de parler de structure cartoonesque, la détermination des protagoniste à s'anéantir réciproquement évoquant irrésistiblement les dessins animés hyper-violents d'un Tex Avery ou d'un Chuck Jones, avec une gradation comparable concernant les moyens de destruction utilisés, témoignant d'un machiavélisme poussé jusqu'à l'absurde. Entre temps, Shinohara s'en sera donné à cœur-joie dans la parodie dantesque, passant pêle-mêle à la moulinette "Orange mécanique", les films de fantômes japonais ou encore le cinéma gore dans un détonnant mélange de genres. Imaginez un version du "Cid" qui tournerait au Grand-Guignol et où le Comte poignarderait Don Diègue dans de grandes gerbes sanguinolentes (sans compter qu'ici, la victime expire en urinant!), ou bien une tragédie grecque où l'Oracle serait interprété par cet archétype qu'est la-jeune-fille-aux-cheveux-sales, et vous aurez une vague idée de ce dont il est question… Tout ça au rythme d'un florilège de tubes de variétoche locaux, car ce n'est pas la moindre des bizarreries du film que de se découper en chapitres portant chacun le titre d'une rengaine particulièrement mélodramatique - comme si le script était directement transposé de la playlist d'un ipod qui jouerait le rôle du Chœur… Mieux: la rivalité entre les deux factions en présence s'articule entre autres autour de divergences de goûts musicaux, au travers desquelles se profilent des préoccupations d'ordre sociologique nettement plus graves qui, au-delà d'un histrionisme revendiqué, n'en demeurent pas moins bien présentes, comme pour mieux déconcerter le spectateur. En effet, la foutraquerie de l'entreprise ne nous empêche nullement de nous émouvoir sur le sort des femmes divorcées, considérées comme de véritables rebuts par les mâles d'une société phallocrate, et qui sont censées être reconnaissantes si d'aventure l'un d'entre eux porte les yeux (ou autre chose…) sur elles. C'est d'ailleurs là le point de départ de cette tragicomique affaire, qui voit l'une de ces malheureuses créatures purement et simplement égorgée par un ado entreprenant dont elle repousse les avances appuyées. Ce premier meurtre engendrera une vendetta dans le plus pur style sicilien (A venge B qui a été tué par C, etc…), opposant une bande de jeunes bras cassés, sortes de caricatures des "droogs" d'"Orange mécanique", et une confrérie de "vieilles" (entendez: des femmes de la quarantaine, ma foi encore hautement désirables, si mon avis vous intéresse…) qui ne se laissent pas impressionner et rendent coup pour coup avec une violence accrue. Au travers de deux conceptions de ce sport national japonais qu'est le karaoke, on voit donc s'affronter deux appréhensions du désir résultant de deux misères sexuelles. On pourrait d'ailleurs définir la guerre qui s'ensuit comme celle des onanistes contre les ménopausées. En effet, les garçons organisent sur la plage des séances de karaoke sans aucun spectateur et, pourrait-on dire, pour leur propre plaisir solitaire, qu'ils épicent d'un zeste de perversion par la pratique du travestissement: au-delà des personnages d'"Orange mécanique" déjà cités, on les verra également enfiler bas et porte-jaretelles pour une parodie assez croquignolette, quelque part entre "The Rocky Horror Picture Show" et "L'Ange bleu" de Von Sternberg. Les "vieilles", de leur côté, hantent les boîtes à karaoke comme autant d'agences matrimoniales, dans l'espoir d'une rencontre sempiternellement vouée à l'échec - le fait qu'elles portent toutes le même nom de Madori semble d'ailleurs les renvoyer impitoyablement à leur anonymat et à la transparence de leur statut de divorcées. On est donc en présence de deux sexualités "en creux" qui auraient pu quelque part se compléter, au travers notamment d'une passion commune pour le karaoke. Malheureusement, et c'est là toute la force de la séquence du meurtre originel, vécue comme l'expression d'un malentendu déplorable, dans lequel le désir, aussi puissant soit-il, s'avère incapable de surmonter les préjugés d'une société figée dans ses archaïsmes: autant de tares qui, du jeunisme à la phallocratie, piègent les êtres dans les codes de leurs tribus respectives et ne peuvent déboucher que sur la violence, d'où l'holocauste final, comme si l'auteur cherchait quelque part à nous dire qu'Hiroshima et Nagasaki furent la sanction d'une certaine psychorigidité japonaise… Telle est la tragédie qui se développe devant nos yeux ébahis, et que Shinohara décline comme une hénaurme pantalonnade, à la manière du "Docteur Folamour" de Kubrick, qui prenait pareillement le parti de nous faire plier de rire avec la somme de toutes les terreurs humaines, cristalisées sur l'holocauste nucléaire. Notons au passage l'influence hautement revendiquée d'un film qui commence comme "Orange mécanique" et s'achève comme "Docteur Folamour", reprenant à son compte toute l'ironie politiquement incorrecte qui traverse l'œuvre kubrickienne. Car il est bien possible qu'une fois que tout aura pété et que nous serons bien dans la merde, le seul sentiment qui perdure soit celui du ridicule: "Il se pourrait bien que l'homme soit le singe de Dieu", écrivait Nietzsche…

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.youtube.com/watch?v=iOmejgHTpVc

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GLEN OU GLENDA? (Glen Or Glenda?)

d'Edward D. Wood Jr (1953)

Qu'on se le dise: le plus sérieusement du monde, je tiens l'ineffable Ed Wood pour une sorte de génie inclassable au charme discret. Et je précise, avant que l'on ne m'accuse de romantisme échevelé, que le magnifique biopic que Tim Burton a consacré à ce phénomène n'a en aucune sorte exercé une quelconque influence sur cette opinion - bien que ce cinéaste soit l'un des rares "commentateurs" à avoir approché le cas avec une rare sagacité. Oui, je sais comme tout le monde que Wood se traîne une réputation de "plus mauvais réalisateur du monde", ce qui lui vaudra tardivement une certaine notoriété chez les happy-few, confinant parfois au snobisme pur et simple. Je veux dire par là que, s'il est de bon ton de se régaler des films d'Ed Wood au trente-sixième degré (ce qui demeure tout à fait légitime) en se moquant plus ou moins gentiment de ses savoureuses maladresses, la démarche qui consiste à essayer d'attaquer l'œuvre du bonhomme sous un autre angle, en cherchant par exemple à se pencher sur ses motivations à persister compulsivement dans un art où il accumule les catastrophes avec une belle assiduité, sont nettement plus rares. En ce sens, Burton fut l'un des premiers à proposer une conception alternative du personnage. Le malentendu vient peut-être du prédicat de réalisateur: considéré comme tel, Wood ne saurait être à l'évidence que "mauvais". Toutefois, il se pourrait bien que l'on ait affaire à tout sauf à un réalisateur, et que l'homme soit arrivé dans le cinéma tout à fait par hasard, mais doté d'une urgence transcendant toute prédication. Une hypothèse que le film de Burton fait plus que suggérer, lorsqu'il nous dépeint un Wood fouillant dans les chutes de montage comme un chiffonnier dans les poubelles, ou encore considérant explicitement les archives du cinéma comme un réservoir de stock-shots. Sous cet angle-là, ce n'est certes plus à un réalisateur proprement dit qu'on a affaire, mais à une sorte de colleur surréaliste qui agencerait ses films sur de libres associations. Pour Wood, tout se passe comme si toutes les images possibles avaient déjà été représentées, et qu'il suffise de les réagencer dans un ordre et une logique différents pour multiplier les histoires à l'infini - ce qui sous-entend que la notion de signifiance pourrait fort bien s'accommoder d'une contiguïté dans la narration, considérant une latence du sens sous l'apparente absurdité de productions hasardeuses. Il est d'ailleurs dommage que cette œuvre pour le moins brute de décoffrage n'arrive que tardivement par rapport à l'âge d'or du surréalisme, et que sa diffusion en France n'ait été, pour des raisons évidentes, que partielle et confidentielle. Car je ne doute pas que sans cela, André Breton et son gang eussent réservé un accueil enthousiaste à "Glen ou Glenda?", dont la (dé)construction se donne comme un archétype de cadavre exquis. Dès lors, le film semble l'œuvre expérimentale d'un artiste conceptuel et, à y bien regarder, on est surpris par les audaces à la fois formelles et thématiques auxquelles elle a recours à une époque (1953) où le langage cinématrographique est déjà considérablement codifié, et qui ne peuvent émaner que d'un esprit totalement affranchi non seulement de la contrainte signifiante, mais également de tous les conformismes de pensée, à commencer bien sûr par les tabous sexuels. Ainsi, il faudra attendre plus d'une décennie pour que le procédé du split-screen, popularisé par "Woodstock" et systématisé par Brian DePalma, servant à évoquer la simultanéité de deux actions ou de deux points de vue, ne devienne une figure classique du cinéma. Or, ce n'est pas l'une des moindres audaces de "Glen ou Glenda?" que de partager son écran en deux selon un axe horizontal pour faire coexister deux univers: notre ici-bas terreste et une sorte d'au-delà depuis lequel Bela Lugosi, à la fois démiurge et narrateur encadré de deux squelettes, s'adresse au spectateur dans une sorte de métalangage. Tout le film semble d'ailleurs se partager de part et d'autre de cet axe: en effet, une autre des quasi innovations de Wood est d'avoir recours à la forme du docu-menteur, soit au simulacre de reportage. Dès lors, il se produit un effet totalement incongru dès que le narrateur cesse d'exposer les faits et que la caméra abandonne sa pseudo-objectivité pour laisser les acteurs prendre le relais dans une vraie scène de cinéma. À y bien regarder, notre télé-réalité moderne fait ses choux gras à cultiver une telle ambiguïté, le tour de force étant d'abolir aux yeux du spectateur toute distance entre le réel et sa représentation par la culture du simulacre. À cette différence près que ce qui reste chez Wood une démarche narrative de visionnaire est devenue pour les networks modernes une véritable technique de manipulation. Le film se distribue donc alternativement entre reportage simulé et fiction assumée, entre texte et méta-texte, les pistes se brouillant encore davantage dès lors qu'apparaissent les stock-shots, parmi lesquels certains sont tirés d'authentiques documentaires. Mais au-delà de ces transgressions formelles dont le culot ne peut que susciter l'admiration, étant donné l'"état de l'art" en 1953, "Glen ou Glenda?" nous sidère surtout en tant que film militant entrant en croisade, avec une sincérité confondante, contre l'intolérance des idées reçues et la pensée unique en matière de sexualité. On le sait depuis le biopic de Burton, Wood prêche ici pour sa paroisse fantasmatique, puisqu'il sacrifiait lui-même aux délices du travestissement, compliqués d'un fétichisme irréprescible pour les pulls en laine angora. Un cas des plus difficiles à une époque où faire admettre la sexualité hors mariage était à la pointe de la libre pensée, tout le reste étant déversé dans le cloaque des perversions sexuelles considérées au mieux comme délictueuses, au pire comme criminelles - à noter à cet égard que le couple non encore légitimé de "Glen ou Glenda?" pratique une chasteté irréprochable. Première charge contre les idées reçues, et qui invite d'emblée à une certaine subtilité dans le discernement: faire la part des choses et ne pas amalgamer travestissement et homosexualité. En effet, Glen/Glenda revendique haut et fort son hétérosexualité, joignant le geste à la parole en tombant amoureux d'une belle blonde. La scène, devenue iconique, où celle-ci se dépouille de son pull angora pour le lui offrir prend valeur de libération cathartique et porte en elle une réelle émotion. À cet égard, "Glen ou Glenda?" est non seulement un film courageux, mais également d'une rare générosité en ce qu'il prône l'acceptation des différences dans le contexte scabreux de la sexualité, ô combien plus névralgique que celui de la discrimination raciale. En effet, si le racisme fait débat, aussi violent soit-il, c'est loin d'être le cas de la marginalisation sexuelle, dont on ne parle pas. Or, on est confondu par le ton décomplexé sur lequel Wood traîte son sujet, comparativement à la trangression qu'il opère: car son docu-menteur prend très précisément la forme d'un de ces films éducatifs que l'on diffusait dans les écoles, et il traîte de travestisme et de transexualité avec le même détachement didactique que s'il faisait un exposé sur l'agriculture du Kansas. Mieux: parmi les stock-shots employés dans cet improbable collage, on peut voir entre autres des images provenant d'un tel documentaire éducatif concernant des aciéries, et sur lesquelles deux voix off débattent de transexualisme le plus naturellement du monde, à la manière de deux piliers de comptoir commentant la météo! Dès lors, le métal en fusion dans les cuves prend valeur d'une sorte d'allégorie surréaliste évoquant le bouillonnement indomptable du désir, et l'on reste baba devant ce qu'il faut bien appeler un détournement situationniste, qu'il soit inconscient ou intentionnel. De même que la fameuse scène du troupeau de bisons, qui arrive comme un cheveu sur la soupe et fit s'esclaffer tant de monde, pourrait fort bien se lire comme le symbole d'une animalité déferlante et incontenable, soit: de la tyrannie exercée par les pulsions sexuelles abolissant toute notion de choix et, partant, de normalisation. Ainsi, il se pourrait bien qu'Ed Wood soit une sorte de Jodorowski avant l'heure, à moins que l'on ne préfère le considérer comme une sorte de continuateur de "L'Âge d'Or" buñuelien. En effet, la pratique de l'incongruité picturale renvoie immédiatement à la structure des rêves et à un mode de narration onirique, ici seule forme adéquate et cryptée propre à évoquer les catégories socialement inexprimables du désir sous ses déclinaisons particulières, celles-là même que la morale, dans un déplorable abus de langage, qualifie de "perversions". Faisant fi de toute tartufferie, Wood et ses personnages discourent librement et sans tabous sur le sexe, le désir, et sur les chemins de traverse que prend ce dernier dès lors qu'il s'aventure hors de l'autoroute balisée de l'hétérosexualité matrimoniale. Le plus étrange est que le discours passe sans crier gare d'un libéralisme philosophique très "Siècle des Lumières" - au travers du fil rouge d'un flic humaniste et compatissant interrogeant un psychiatre pour élucider les raisons qui ont poussé un travesti à se suicider - à une entreprise de provocation pure et simple, là encore très buñuelo-jodorowskienne, où il est question de scandaliser le bourgeois. L'on se voit ainsi asséner une longue et hallucinante séquence qui, à coups de stock-shots extraits de films vendus à l'époque sous le manteau et utilisés ici à titre documentaire, dresse un catalogue éloquent de l'inventivité désirante: scènes très hot de bondage saphique à la Betty Page, effeuillages, viols simulés, sans oublier, en filigrane, le voyeurisme voluptueux que suppose l'existence de tels films. Bref, il y a largement de quoi hérisser l'Amérique puritaine de 1953 tout en l'interrogeant sur ses propres ténèbres désirantes. Ce brûlot infère la tartufferie puritaine de l'existence même d'une production pornographique: qui, en effet, en dehors d'une classe sociale en ayant les moyens, peut s'offrir le luxe coûteux de ces images de contrebande? C'est là que le collage woodien prend toute sa valeur documentaire, menant sans en avoir l'air une charge politique et sociale. La crudité de ces images vouées à la clandestinité remonte soudain à la surface, dès lors que Wood prend le parti de les montrer sans concessions ni pudeur affectée, et leur émergence renvoie nécessairement à celle de pulsions que, pareillement, la société préfèrerait garder souterraines. En quoi le collage d'images dans une succession manifestement incongrue, la mobilisation d'éléments disparates de provenances diverses et détournés de leur fonction signifiante initiale, bref la textualité onirique empruntée au surréalisme, s'avèrent la forme idéale pour la subversion opérée par Wood. Notons enfin que, dans cette surgescence de forces ténébreuses, les commentaires d'un Bela Lugosi sarcastique et terriblement conoté en tant que comédien constituent véritablement la cerise sur le gâteau. Évidemment, plutôt que d'essayer de suivre Wood dans sa démarche à la fois très libertaire et pleine de générosité, ou de s'interroger quelque peu sur la NÉCESSAIRE INCONGRUITÉ de ses images, on a préféré considérer "Glen ou Glenda?" comme l'œuvre d'un histrion dyslexique, ce qui pourrait être une forme bien commode de déni de réalité. Cela est d'autant plus dommage que, s'il est vrai que Wood est un réalisateur exécrable - voire N'EST PAS un réalisateur - il n'en demeure pas moins que "Glen ou Glenda?" est la seule œuvre de sa filmo qui ne soit pas un pur produit d'exploitation, et dans laquelle il aborde, avec une sincérité étonnante, une thématique qui lui tient vraiment à cœur. C'est pourquoi ce plaidoyer pour la tolérance, lancé avec un courage indéniable dans une époque et un contexte des plus intolérants, mérite de figurer au Panthéon des grands films complètement barrés. Dont acte, sa programmation sur la très culturelle Arte lui tenant lieu d'adoubement…

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.youtube.com/watch?v=xuq1A_T3vWQ

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LA FIANCÉE DU MONSTRE

(Bride Of The Monster)

d'Edward D. Wood Jr (1955)

Alors là, pour le coup, on a droit à un vrai nanar d'exploitation. Exit les collages dadaïstes habituels: avec "La Fiancée du Monstre", Ed Wood réalise peut-être son film le plus abouti et le plus cohérent. En effet, les plans s'enchaînent, pour une fois, avec une logique autre que surréaliste, et qui témoigne même d'une certaine rigueur de mise en scène - toutefois, étant donné à qui l'on a affaire, il convient de n'employer ce concept qu'avec relativisme! Les stock-shots n'interviennent que très parcimonieusement, pour pallier au manque de moyens, et sont essentiellement animaliers, vu que l'histoire se déroule dans un marais putride où se tapit toute une faune menaçante tels qu'aligators et autres serpents, sans oublier le clou du spectacle: une pieuvre géante vivant dans un lac à proximité, dont les images ont été shootées dans un quelconque aquarium, et que l'absence de salinité des eaux ne semble pas beaucoup gêner - mais n'est-ce pas à ce genre de détails que l'on reconnaît les meilleurs nanars? Le céphalopode en question est l'œuvre d'un savant fou, interprété par l'inévitable Bela Lugosi, plus inénarrable que jamais dans le cabotinage intensif, qui habite une maison sinistre au bord du lac et transforme les créatures en super-créatures boostées au Red Bull. Au détour de ce scénario douteux, on apprendra d'ailleurs que le Monstre du Loch Ness, c'était lui! Ça vous la coupe, hein? Mais si ça marche avec les poulpes et les couleuvres, avec les humains en revanche, ça n'est pas tout à fait ça… J'en veux pour preuve le personnage de Lobo, interprété par le tout aussi inévitable Tor Johnson (je sais pas vous, mais moi je suis un fan inconditionnel) et qui, pour être super-costaud et invulnérable aux balles, n'en est pas moins muet, chauve, défiguré et bas de plafond. Ce qui ne l'empêchera pas de tomber amoureux de l'héroïne - puisque, comme son titre l'indique, le film démarque sans vergogne le classique "La Fiancée de Frankenstein" de James Whale (1935) - ni de se révolter contre son créateur sadique qui passe son temps à le fouetter. Sauf qu'au lieu d'arborer le célébrissime chignon qui fit la gloire d'Elsa Lanchester, l'héroïne en question devra ici se contenter d'une sorte d'entonnoir à électrodes censé la métamorphoser en supermeuf. Mais tout se terminera bien et, après avoir tâté de sa propre machine et être devenu muet, défiguré et bas de plafond (mais pas chauve, y'a du progrès!), le bon vieux Bela finira tant acculé dans les tentacules de sa pieuvre d'eau douce qu'il en perdra irrémédiablement la vie… mais pas le sens de l'humour, car il faut l'avoir vu se débattre entre les pseudopodes désespérément inertes d'un poulpe de chiffons pour savoir enfin ce que "nanar" veut dire!

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.youtube.com/watch?v=CcaITpeC1ek

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"Karaoke Terror": où des droogs très kubrickiens poussent la chansonnette!

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Gaffe: le gang des Vieilles débarque façon ninja!

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Bon, là, ça commence à délirer grave!

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Une belle trachéo, pour le plaisir des yeux!

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Bela donne toute sa mesure dans "Glen ou Glenda?"

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Que diable Ed Wood nous a-t-il encore inventé?

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La scène iconique du pull angora

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Utilisation pionnière du split-screen

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Allégorie: le surmoi surchargé du pauvre Glen!

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Oui, heu... Si vous avez une interprétation, je suis preneur!

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"La Fiancée du Monstre": Bela en pleine séance de mesmérisme!

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Tor Johnson, sublime comme toujours!

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Le monstre du lac, avec l'aimable contribution des aquariums de Floride!

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Pas de savant fou sans machines infernales!

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L'attaque du poulpe de chiffons!

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7 octobre 2009

PATCH REVIENT

Humeurs

PATCH REVIENT (aux petits oignons!)

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Avant que de reprendre mes chroniques pouvantables et bominables, je m'en vais m'excuser de ma longue absence sur la blogosphère et vous en exposer les raisons, qui se résument principalement à un manque de temps. Et oui, c'est ainsi, il arrive que la vie vous chope et vous accapare, parfois avec des événements agréables, mais souvent avec des vicissitudes impliquant moult contraintes chronophages, à tel point que vous n'avez plus une minute à consacrer à vos passions.

Tout d'abord, sachez que la boîte où j'ai l'heur de bosser s'est vue privatisée sous le ministère de Dominique de Vieille Pine (oui, celui-là même actuellement persécuté devant les tribunaux par le nain Grincheux - comme quoi tout se paye - mais tant qu'ils se bouffent le foie entre eux, c'est tout bénéf pour nouzôtres pôv' laborieux!), ce qui a eu pour principal effet de me pourrir les conditions de travail. Ceci pour dire que mes nouveaux employeurs - désignés par les salariés sous le sobriquet "Les Connards de Vinci" (mwarf!) - ont mis en place cette année la flexibilité du temps de travail. Ce qui signifie qu'en été, période de haute activité, on bosse quasi six jours sur sept durant trois mois, ce qui laisse bien peu de loisir au chroniqueur pour exercer son art car, le septième jour arrivé, le quinqua que je suis désormais tombe sur son pieu comme une vieille loque et comate vingt quatre heures non-stop en regardant vaguement Canal Cinéma et - comble de tout! - en s'endormant devant les films.

Comme si ce soudain et éprouvant stakhanovisme ne suffisait pas en soi, divers événements, tantôt agréables, tantôt sinistres, sont venus grignoter les rares bribes de temps laissées à ma disposition. En voici le détail.

Juin. Mon MN+ d'ordi a replanté, et bien gravos cette fois… Il a fallu changer la MN+ de carte mère en short, et pis après réinstaller tous les MN+ de programmes un par un, car vous vous doutez bien que tout ce bintz n'a pas été sans un MN+ de reformatage! Ensuite - car il y a un ensuite et pas des moindres - Mme Patch a eu un accident, s'étant malencontreusement cassé la gueule d'un siège de jardin sur lequel elle était montée afin de refixer (après lavage) le drapeau tibétain qui flotte sur la Patchcave (voir iconographie des "Mollards" d'Août 2008). Après hospitalisation, suite à un sérieux malmenage du rachis lombaire, elle a dû garder le lit durant trois bonnes semaines tandis que son Patch de mari, qui est un homme moderne, lui prodiguait les meilleurs soins tout en s'acquittant sans broncher de la quasi totalité des tâches ménagères - fort heureusement, j'étais en congés à ce moment-là…

Juillet. À peine remise de ses émotions et traumatismes, voilà Mme Patch reprise par le démon du théâtre, et nous enchaînons plusieurs dates avec la troupe qu'elle a récemment fondée avec ses copines, et au sein de laquelle j'occupe la fonction de régisseur.

Août. Ça commence plutôt cool, avec la réapparition de deux vieux potes de l'époque héroïque (peace and love and sex and drugs and rock'n'roll and all those kinds of things) que je n'avais pas revus depuis une bonne trentaine d'années. Émotion. Suivent plusieurs jours de libations déraisonnables - enfin, pour autant que le boulot me le permette… Là-dessus, l'un de mes chats, la "Petite Lili", se fait démonter par une voiture en traversant la rue: soins intensifs, allers-retours chez le véto, convalescence dûment surveillée avec force câlins, etc, bref, elle s'en tire avec une fêlure du bassin dont elle s'est aujourd'hui parfaitement remise. Apothéose en fin de mois: Mme Patch se refait un séjour à l'hosto avec un début de péritonite, et du coup je refais l'homme d'intérieur durant sa convalescence - mais en bossant, cette fois…

Septembre. Me voici en congés - ouf! Nous en profitons pour aller nous taper un séjour dans les Landes, et visiter le fiston qui nous annonce son mariage pour Septembre 2010. Bon, je commence à mettre des thunes de côté - mais pas du côté de chez Maldoff, si vous voyez ce que je veux dire… Au train où vont les choses, me voici bientôt papet - vous me direz: c'est de mon âge… Je me vois déjà devant la télé, mes petits-enfants sur les genoux, à les traumatiser à coups de DVD de Romero, hin! hin! Dans les Landes, j'en profite un peu pour me livrer à une autre de mes passions (partagée par mon épouse): la pêche en surfcasting. De retour sur la Côte d'Usure, pas le temps de souffler: c'est le syndicat qui me tombe dessus. Y'a les élections professionnelles en Octobre, et il s'agit de les préparer, de faire campagne et tout ça… Allez, esclave, reprends ton bâton de pèlerin!

Octobre. Voici l'automne. La contrepartie de la flexibilité, c'est que quand on a bossé comme un malade en été, on fout plus grand chose durant la morte saison. Pour tout dire, je bosse à peu près trois jours par semaine, parfois moins. Donc je peux réécrire. J'ai d'ailleurs quelque belles chroniques bien frappa dans le chargeur, que vous n'allez pas tarder à vous morfler entre les deux yeux. Je vous proposerai la première dès demain. Oui, je suis bel et bien de retour. There will be blood!

10 mai 2009

THE EYE

Vu à la télé

THE EYE

de Xavier Palud & David Moreau (2008)

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Plutôt que de vociférer une Nième fois contre la frigidité et l'opportunisme des producteurs et distributeurs français qui ne s'avèrent pas foutus de conserver un réalisateur de genre dans le patrimoine national, je vais envisager le problème du côté américain, point de chute de ladite fuite des cerveaux, car il faut bien se rendre à l'évidence: une fois parvenus de l'autre côté de l'Atlantique, les cerveaux en question se mettent à avoir des fuites! Ce n'est pas Kassovitz avec son pitoyable "Gothika" (2003 - voir "Mollards de Septembre 2008), et qui vient de se ramasser quelque chose de bien avec "Babylon A.D." (tiré du roman du nauséabond Maurice G. Dantec), qui vous dira le contraire... Non plus qu'Alexandre Aja, que l'on croyait pourtant intégré après le succès de "La Colline a des Yeux", mais qui vient de voir son "Mirrors" assez froidement accueilli par les fans de la première heure, erreur de parcours d'autant plus étonnante que la dream-team qu'il forme avec son co-scénariste Grégory Levasseur avait jusqu'ici réalisé un sans faute (mais il faut préciser que, sur cette dernière réalisation, les compères se sont vus embarrassés d'une paire de script-doctors du cru, ceci expliquant fort probablement cela). Bref, tout se passe un peu pour les cinéastes de genre français comme pour ces réfugiés quart-mondistes hagards que l'on voit échouer sur nos européens trottoirs: ils débarquent des étoiles pleins les yeux, les premiers rêvant de consécration artistique loin d'une patrie où ils ne sauraient être prophètes, et les seconds accrochés au fantasme d'un Occident terre d'asile où l'on ne peut que réussir, avant de se voir claquer la porte sur les doigts. Car si les executives d'Hollywood ont l'œil pour repérer sans faillir les "French wonderboys", ils sont tout aussi prompts à les précipiter dans les culs de basses-fosses de la production, à jouer les yes-men sur divers remakes et autres séquelles à but purement lucratif, ce qui pourrait donner à penser que s'ils cherchent avant tout un certain savoir-faire purement technique, ils n'ont en revanche rien à foutre de la créativité et de l'originalité de ces immigrés instrumentalisés sans vergogne. C'est ainsi que, pour "Gothika", Kassovitz s'est vu mettre le grappin dessus par Dark Castle, boîte spécialisée comme on l'a déjà vu dans le navet horrifique et le remake foireux pour boutonneux pop-cornophiles, et qu'Aja s'est vu confier la relecture d'un classique de Wes Craven, aussi réussie soit-elle. La liste ne s'arrête pas là: Éric Valette, réalisateur de l'excellent et très décalé "Maléfique" (2002), s'est vu relégué sur "One Missed Call" (2006), remake de "La Mort en Ligne" de Takeshi Miike (2004), lui-même démarquage à peine déguisé de l'archétypal et déjà remaké "Ring" (1997) de Hideo Nakata; Alexandre Bustillo et son compère Julien Maury, réalisateurs du brillant "À l'Intérieur" (2006 - voir "Séance interdite" de Juin-Juillet 2008), se sont successivement vu proposer la séquelle du "Halloween" de Rob Zombie (2007), puis le remake d'"Hellraiser" (Clive Barker - 1998), ce dernier échouant finalement entre les mains d'un autre Frenchy importé: Pascal Laugier, réalisateur remarqué de "Saint-Ange" (2003) et de "Martyrs" (2007); quant à Aja, on risque de le retrouver bientôt sur la tardive séquelle "Piranha 3D", dont la franchise fut initiée par Joe Dante en 1978, et poursuivie par James Cameron en 1981 - tous deux alors jeunes débutants chez Papet Corman.

Le tandem Palud / Moreau ne fait pas exception à la règle, dans la catégorie "remakes systématiques et tout pourris de cartons asiatiques", puisque le voici catapulté sur la version macdonaldisée du petit chef d'oeuvre des frères Pang "The Eye" (2002 - voir tout le bien que j'en pense dans la "Séance interdite de Juin-Juillet 2008). Las! le public auquel s'adresse ce genre de remâchage inutile étant ce qu'il est (c'est-à-dire obstrusément imperméable à toute forme de culture non américaine), l'affaire ne pouvait tourner qu'à la catastrophe, puisque de toute manière on préfèrera toujours consommer et faire consommer la merde d'ici (quitte à chier sur les produits!) plutôt que les délices d'Orient ou d'ailleurs. Aussi, ne vous attendez pas à retrouver dans ce produit reformaté le rythme impitoyable et les prouesses techniques de "Ils" (2005), le premier long hexagonal de Palud et Moreau (voir "Mollards" d'Août 2007). Car les deux compères paraissent ici totalement démotivés, filmant leur remake comme s'ils avaient décidé de saboter systématiquement les séquences ciselées par les frères Pang dans l'original en essayant de les reproduire maladroitement, un peu comme le ferait un peintre du dimanche d'une toile de maître... Il en résulte une mise en scène pesante et laborieuse, qui essaie vainement de donner le change en s'enveloppant d'une photographie chichiteuse aux effets souvent gratuits. Pire, l'impression nous envahit peu à peu que les faussaires n'ont strictement rien compris à l'essence même de ce qu'ils essaient de reproduire: on imagine deux cancres, le bout de la langue dehors, en train de pomper sur leur génial voisin de table pour ne pas foirer leur compo, qui n'entravent pas un traître mot à ce qu'ils retranscrivent, et qui livrent au final un exposé consternant de bêtise.

Mais, à la décharge de Palud et Moreau, il faut bien reconnaître qu'ils ont hérité d'un script d'une stupidité abyssale, à tel point que l'on se perd en conjectures quand à savoir si le scénariste s'adresse exclusivement à des cons, ou pense qu'il est censé s'adresser à des cons, à moins qu'il ne le soit lui-même, ce dont on ne doutera plus dès que l'on se sera avisé que l'on parle de Sebastian Gutierrez. Si vous ne connaissez pas l'individu, sachez d'abord que vous ne perdez rien, et qu'ensuite il s'agit du scribouillard incontinent qui ne nous a pondu rien moins que les scripts de "Des Serpents dans l'Avion" de David R. Ellis (2005 - voir "Mollards" d'Avril 2008), navet à l'humour beauf que l'on doit retrouver en bonne place dans le top ten graveleux de Jean-Marie Bigard, et du "Gothika" de Kassovitz - tiens donc, comme on se retrouve! Et encore, je ne vous parle que de ceux que j'ai vus - ce qui est déjà plus que n'en peut supporter un honnête homme! Bref, si l'on peut laisser à nos deux Frenchies la responsabilité de leurs choix visuels discutables, en revanche c'est à Gutierrez et à lui seul qu'incombe celle du (re)traitement du script brillant des frères Pang, lequel ne s'avère rien d'autre qu'une sorte de "digest" simpliste issu d'une lecture schématique et visant principalement à éviter au spectateur tout effort de réflexion. Là où les Pang nous laissaient toute latitude d'analyse d'une série B somptueuse fonctionnant d'autant mieux en surface qu'elle se reposait sur un substrat qui, s'il n'était jamais lourdement et didactiquement asséné, n'en reflétait pas moins tout un jeu de références thématiques aussi subtiles qu'universelles, le script de Gutierrez ne cesse de proclamer, avec toute la grâce d'un hippopotame en tutu, qu'il y a plein de choses à comprendre, le pire advenant lorsqu'il se met en demeure de nous les expliquer - car il semblerait que nous soyons trop cons pour différencier notre cul du fauteuil de cinéma sur lequel il est posé! À tel point d'ailleurs qu'on a parfois la sensation que les protagonistes nous lisent le scénario pour que l'on comprenne bien ce qu'il se passe, comme si Gutierrez doutait du pouvoir évocateur des images - et, sur ce coup, on ne peut pas tout à fait lui en vouloir! On mesure l'ampleur du désastre à la vue de Jessica Alba, aussi expressive qu'un matin de gueule de bois avant le café (elle a d'ailleurs récolté un razzie pour l'occasion!), se dévisager interminablement dans un miroir qui, comme disait Cocteau, aurait gagné à réfléchir! Et tout le reste est à l'avenant, le moindre effet se voyant caricaturer à l'emporte-pièce, tel l'inquiétant et diaphane homme en noir de l'original qui prend ici la tronche d'une sorte d'alien caoutchouteux ouvrant une gueule pleine de crocs à chaque apparition pour mieux nous signifier ô combien la mort est une chose terrrrrible! Ceci dit, Gutierrez nous avait annoncé la couleur dès la séquence introductive, en réussissant ce remarquable exploit de spoiler le film dès le départ! Ainsi, le suicide de la "sorcière" intervient dès les premières images, du seul fait qu'il fallait absolument une séquence-choc pour appâter les bœufs, mais ce cliché narratif a pour principal effet de déflorer prématurément le pivot de l'histoire, et de priver le film de tout son mystère. Là où l'original glissait insensiblement et selon une savante gradation des angoisses d'une héroïne dont tous les repères étaient perturbés, à la quête d'une scène originelle traumatisante amenée à point nommé pour faire rebondir l'intrigue et basculer le film, on est ici réduit à regarder sans réelle émotion se dérouler un script dont on a déjà compris tous les tenants et les aboutissants. Avec un scénar qui échoue lamentablement à nous intriguer, une actrice incapable de nous faire ressentir la moindre empathie pour son personnage et une réalisation inapte à instaurer le moindre climat, les effets chocs censés nous réveiller un peu tombent comme autant de cheveux sur la soupe dans cette affaire où l'on reste irrémédiablement passif et où l'on ne tarde pas à se faire prodigieusement chier. Il n'est que de comparer la scène de l'ascenseur, foirée par des réalisateurs et un montage qui montrent tout au mauvais moment, à la séquence d'anthologie à laquelle étaient parvenus les frères Pang... Dans mon enthousiasme, j'avais évoqué la taille des diamants pour décrire la réalisation des frangins: ici, pour poursuivre la métaphore, on travaille à coups de barre à mine!

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.commeaucinema.com/bandes-annonces=91994.html

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Jessica Alba se paye un four!

miroir

Aucun risque de découvrir une ride d'expression!

spectre

"Bouh!"

violon

De quoi verser des "sanglots longs"!

29 avril 2009

SEANCE INTERDITE (Janvier 2009)

Vu à la télé

SÉANCE INTERDITE (Janvier 2009)

Yannick Dahan, s'il n'existait pas, il faudrait l'inventer. D'abord, il nous fait bien marrer avec ses présentations sanguinolentes de Crypt Keeper hystérique, émaillées de vannes à deux balles et chroniquées de manière tout à fait décomplexée. Mais surtout, il est devenu incontournable car il remplit quelque part le rôle jadis dévolu à nos regrettés cinémas de quartier, en cette triste époque où la mafia distributrice a pris le contrôle des programmations de nos salles, et où un exploitant n'a même plus son mot à dire sur ce qu'il va ou ne va pas diffuser. Car sans Yannick et ses "Séances interdites", le pauvre provincial éloigné de tout que je suis aurait bien du mal à découvrir - sauf à se ruiner en DVD scandaleusement coûteux - quelques-unes de ces séries B qui font l'actualité du genre que nous affectionnons, et dont les fossoyeurs de la culture, parangons du bon goût franchouillard, nous privent régulièrement. Ah il est loin, le temps où le moindre nanar chroniqué dans "Creepy" ou "Vampirella" était visible jusque dans les campagnes les plus reculées... Aujourd'hui, lire "Mad Movies" revient à se faire mal en dressant le catalogue de tous ces films qui nous font saliver pire que la créature d'"Alien", mais qu'on n'a aucune chance de voir un jour. Heureusement, Yannick est là pour entretenir la flamme, et nous montrer que la série B horrifique qui décape n'est pas prête à se laisser dissoudre dans le blockbuster insipide.

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HOSTEL, CHAPITRE II (Hostel: Part 2)

d'Eli Roth (2007)      

On avait bien aimé "Hostel" premier du nom pour ses audaces et son jusqu'au-boutisme dans l'abjection provocatrice (voir "Séance interdite" de Décembre 2007), mais là, franchement, ça commence à tirer à la ligne et à sentir l'opportunisme. Quitte à nous fourguer absolument une séquelle, Eli Roth aurait au moins pu faire l'effort de nous pondre un script qui ne soit pas un copier-coller de l'original en version féminine. Il en résulte que l'ambiance parano qui réussissait si bien dans le premier opus ne fait plus recette ici, le spectateur ayant éventé le procédé dès les premières images, et se doutant bien que tout le monde, mais alors absolument tout le monde - du concierge de l'hôtel aux minots qui mendient dans les rues, en passant par les beaux étalons qui comptent fleurette aux trois oies blanches à la fête du village, et ainsi de suite jusqu'au moindre figurant - fait partie de la conspiration qui va amener les plus que potentielles victimes là où l'on sait. Tout aussi gênant, on nous annonce pareillement au mégaphone qui va survivre et qui va y passer: d'après vous, entre l'imprudente écervelée, la folle de sexe et la meuf-mature-qui-garde-la-tête-sur-les-épaules, qui tirera son épingle du jeu et, accessoirement, celles plantées dans son cul? On le voit, on ne cherche même plus à contourner les stéréotypes, ni à travailler un tant soit peu la psychologie des personnages, l'objectif à peine dissimulé étant de doubler la mise à peu de frais avec des procédés dignes de l'industrie agro-alimentaire. Par le fait, le gogo est arnaqué comme il était prévu qu'il le soit, et le nouveau "Hostel" ne lave pas plus rouge que le nouvel Ariel ne lavait plus blanc: c'est tout simplement le même produit sous un emballage différent. Au chapitre des (rares) innovations, on trouve notamment une velléité d'embrasser le point de vue des bourreaux (deux yuppies américains, l'un, fanfaron et pervers, traînant l'autre, timide et réticent) mais bon, on est quand même loin de "Henry, Portrait Of A Serial Killer", et ce qui aurait pu être un angle d'attaque intéressant, en même temps qu'une opportunité de renouvellement thématique de la franchise, tourne rapidement au pétard mouillé, le traitement du sujet (trop périlleux?) se résumant à quelques banalités superficielles débitées par-dessus la jambe... Néanmoins, ce petit détour fait du côté des tortionnaires sera l'occasion d'un beau twist de fin de parcours, indéniablement l'un des rares moments forts du script. Pour le reste, Eli Roth est égal à lui-même: sa réalisation est toujours à la hauteur, et l'esthétique trash et nauséeuse de l'ensemble est bien plus efficace par sa puissance de suggestion que tout ce qui aurait pu être montré par ailleurs en termes de violence graphique. À cet égard, le réalisateur met la pédale douce sur le gore et sait couper au bon moment, contournant la complaisance craignos non sans un certain sadisme. En effet, il sait ménager une tension assez insoutenable et nous amener sans la transgresser jusqu'à la limite d'un "voyeurisme viandard": la séquence où le bourreau, du fait d'un fil trop court, débranche malencontreusement la prise de sa scie circulaire alors que celle-ci est à un centimètre du visage de sa victime, est assez exemplaire de la façon dont Roth joue avec nos nerfs... À la manière du Tobe Hooper de "Massacre à la Tronçonneuse", il sait flirter efficacement avec les limites et forcer le spectateur à détourner le regard, afin que le fantasme de ce qui aurait pu être montré se substitue à ce qui a été effectivement vu... Ainsi, je suis prêt à parier que nombre de spectateurs, parmi les moins aguerris aux extrémismes du genre, sortiront de la salle avec la conviction d'avoir vu quelque chose qui n'a jamais été montré, ce qui nous confortera dans cette idée que le cinéma d'horreur n'est jamais autre chose qu'un jeu rigolard pour sales gosses turbulents. Roth dédramatise d'ailleurs la situation en adressant certains clins d'œil aux fans purs et durs, le moindre n'étant pas le caméo montrant Ruggero Deodato (auteur du cultissime "Cannibal Holocaust") se taillant un steak dans la jambe d'un malheureux avant de s'attabler confortablement pour le déguster! (1) Mais, si l'on a la conviction que tout ce Grand-Guignol outrancier n'est finalement pas très sérieux, en revanche on aimerait pouvoir en dire autant de la question sexuelle, le film semblant s'adresser également à un public plus féru d'imagerie SM que de cinéma horrifique. Par le fait, la séquence où la première de nos trois victimes se retrouve nue, ligotée et pendue la tête en bas, qui plus est dans un décorum des plus sordides, n'a rien à envier à certains sites de bondage hardcore tels qu'on peut en trouver un peu partout sur le web. Quant à savoir si ce qui nous est montré relève de la dénonciation ou du racolage pur et simple, il faut bien avouer que les choses ne sont pas clairement tranchées et que le spectateur est renvoyé à lui-même: se sent-il horrifié par ce qu'il voit, ou bien au contraire excité sexuellement? Là est toute la question, et je ne serais pas étonné que cette ambiguïté dans le propos ne soit pour Eli Roth qu'une manière perverse d'accentuer le malaise, en abolissant soudainement toute distance entre le film et le spectateur. Par ailleurs, et toujours au rayon des ambiguïtés, la fameuse théorie de la conspiration qui implique la quasi totalité du casting, chacun jouant son rôle pour amener les victimes jusque dans les griffes des bourreaux, finit par avoir pour effet malencontreux de donner à penser que le peuple slovène constitue une sorte de quart-monde dégénéré, sadique, et prêt à sacrifier toute humanité sur l'autel de sa vénalité. Soit: le principe de la famille de "Massacre à la Tronçonneuse" généralisé à une population tout entière... Et là, nous sommes sur un terrain beaucoup plus glissant que celui du Grand-Guignol...

Note:

(1): Au rayon des caméos facétieux - derrière lesquels on devinera la patte du producteur cinéphage Quentin Tarentino, féru comme on sait de bis italien - il convient également de signaler, dans le rôle d'un détective, la présence de Luc Merenda, interprète très populaire de moult polars transalpins de série B, ainsi que celle de la très coquine Edwige Fenech, vedette de nombreuses comédies gentiment érotiques (citons les séries de "La Toubib" et de "La Prof") fort prisées en leur temps des militaires en goguette.

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18728733&cfilm=114997.html

Voir également la chronique de l'ami Eelsoliver:

http://cinemadolivier.canalblog.com/tag/Hostel%202

28_semaines_aff28 SEMAINES PLUS TARD

(28 Weeks Later)

de Juan Carlos Fresnadillo (2007)

"28 Semaines plus tard" ne va pas chercher midi à quatorze heures et s'inscrit d'emblée, comme son prédécesseur "28 Jours plus tard" (Danny Boyle - 2002), dans la catégorie des hommages sincères rendus à l'œuvre de Romero. On a beau remplacer les zombies par des "infectés" (c'est comme ça qu'on dit, maintenant) et leur faire passer le turbo, on retrouve bien le fond de la désormais célèbre thématique romérienne, qui consiste à traiter le zomblard en tant que faire-valoir de notre trop humaine ignominie. Démarche que le script radicalise ici, en reléguant les fameux "infectés" à l'extrême périphérie des événements qui nous sont relatés, puisque la plus grande partie de l'action se déroule en "zone sécurisée". En effet, racontant la reconquête progressive de Londres après la pandémie du premier opus, "28 Semaines plus tard" nous montre la réinstallation des survivants dans un environnement pour le moins concentrationnaire, sous contrôle de l'armée qui a pris la direction des opérations - ce qui ne laisse pas d'être inquiétant, à en juger par les réfugiés stockés dans des trains, escortés dans leur moindre déplacement, parqués comme du bétail, mis en quarantaine avant que d'être rendus à un simulacre de vie civile et professionnelle, le tout sous l'œil affûté de snipers à la gâchette facile... C'est dire si le film politique prend le pas sur le film horrifique, dans la plus pure tradition romérienne, au travers de cette dialectique sécurité / liberté dont les deux moments semblent obéir à un principe de vases communicants. Ce qui pose la question très actuelle (notamment dans notre beau pays de Sarkozie) de savoir jusqu'à quel point le citoyen est prêt à sacrifier sa liberté pour éprouver un sentiment sécuritaire souvent illusoire, contradiction dont les politiques en général et les fachos en particulier savent parfaitement tirer parti. Dans ces conditions, ce n'est certainement pas un hasard si les "infectés" se retrouvent relégués en banlieue de la zone dite "civilisée", à l'instar de certaines populations censées faire trembler le bourgeois et prétextes à toutes dérives sécuritaires: en effet, n'oublions pas que l'Angleterre est l'un des pays où l'on voit les caméras pousser comme des champignons au coin des rues, parfois doublées de haut-parleurs interpellant les inciviques, tout ça avec l'assentiment des braves citoyens propres sur eux. Mais les sociétés se composent également d'individus et, à cet égard, "28 Semaines plus tard" redouble la responsabilité collective au niveau du microcosme familial au travers de ce père indigne, interprété par le toujours magistral Robert Carlyle (remember "Vorace"?) qui, en tout début de film, abandonne sa propre épouse aux mâchoires zombiesques pour se carapater comme un foie jaune. Mais sa culpabilité le rattrapera au travers de ses enfants, qui, eux, n'hésiteront pas à faire acte de désobéissance civique pour partir à la recherche de leur mère. En tant que porteuse saine du virus, celle-ci laissera entrevoir une lueur d'espoir qui, ironiquement, va se retourner en menace pour sceller le destin de l'humanité, et toute l'histoire ne va pas tarder à virer au massacre généralisé, les militaires faisant autant de victimes que les "infectés"... Vous qui entrez, laissez toute espérance car vous avez affaire à un film crépusculaire dans lequel toute porte entr'ouverte vous est immédiatement claquée sur les doigts par des scénaristes sadiques, dans une tragédie oedipienne où tout ce qui est fait pour contrarier la destinée humaine ne fait paradoxalement que la précipiter - comme si le germe du Mal était à chercher dans la constitution même de l'homme, et non chez les coupables désignés, dans une malencontreuse confusion de l'effet et de la cause... Au bout du compte, le sacrifice des héros - réellement admirables d'abnégation - ne servira non seulement à rien, mais aura pour effet de faire empirer les choses, et de les étendre à un niveau planétaire... C'est donc une Terre presque entièrement zombifiée que l'on retrouvera dans le prochain opus, fort pertinemment intitulé "28 Months later", et dont le tournage a débuté en Octobre 2008 sous la houlette de Paul Andrew Williams (réalisateur en 2007 du très remarqué "Bienvenue au Cottage "). On le voit, Danny Boyle, qui officie en tant que producteur exécutif sur la trilogie, a pensé celle-ci dans un certain parallélisme au triptyque fondamental de Romero: en effet, après un premier acte qui posait les bases de l'invasion à la manière de "La Nuit des Morts-Vivants", la réplique militaire basée sur la violence aveugle à laquelle on assiste dans "28 Semaines plus tard" fait écho aux affrontements entre miliciens et morts-vivants de "Zombie" et aboutit au même constat pessimiste, à savoir que ceux qui sont censés nous défendre finissent par s'avérer encore plus dangereux que la menace qu'ils combattent. Nous verrons bien si ce parallélisme se confirme dans le troisième opus, mais en attendant l'on ne peut que se réjouir de l'angle d'attaque qu'ont adopté Boyle et ses collaborateurs pour cet hommage, en préférant nous proposer une relecture personnelle, intelligente et moderne, plutôt que de sacrifier à un énième remake foireux de l'œuvre originale (en ce moment, le bruit court d'une troisième version de "La Nuit des Morts-Vivants" - gros soupir!). Par le fait, "28 Semaines plus tard" confirme, en tant que co-production, la qualité et la vitalité des cinémas fantastiques espagnol et britannique qui continuent à en remontrer à une production hollywoodienne qui s'encroûte dans la redite, le politiquement correct et le stéréotype à but lucratif. En fait, on en a marre d'être pris pour des cons, et on espère beaucoup d'autres films tout aussi rentre-dedans, tant du point de vue de la forme que de celui du fond.

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18742097&cfilm=118343.html

Voir également la chronique de l'ami Eelsoliver:

http://cinemadolivier.canalblog.com/tag/28%20semaines%20plus%20tard

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DEAD SILENCE

de James Wan (2006)

Après avoir ébouriffé les fans et initié le sous-genre du "torture-flick" craspec avec "Saw" (2004 - voir "Séance interdite" de Décembre 2006), le petit génie du B-movie James Wan laisse la franchise patauger dans les déjections bovines du sieur Bouseman et engendrer les inévitables copies-carbone multipliées par moult suiveurs plus ou moins zédeux, pour opérer un total changement de cap sur ce deuxième long métrage. Visiblement peu enclin à se laisser enfermer, cataloguer ou étiqueter, l'homme se positionne au-dessus de la mêlée et revient avec "Dead Silence" aux sources du B-movie pour réaliser un film fantastique pur et dur, "à l'ancienne", délaissant toute surenchère sanguinolente et posant des plans inhabituellement élaborés (et d'autant plus efficaces) à l'heure où la plupart de ses confrères sacrifient à la mode surfaite de la shaky-cam hystérico-subjective. Par le fait, et en tant que film préférant aux effets faciles une certaine approche "climatique", il est clair que "Dead Silence" interpellera davantage le fantasticophile confirmé que le novice ou le profane, puisque mettant en œuvre tout un jeu de références d'ordre aussi bien esthétique que thématique. Esthétiquement, il est absolument impossible de ne pas penser au grand Mario Bava, et à son héritier spirituel Dario Argento, principalement du fait d'une débauche d'éclairages monochromes dans les couleurs primaires: à cet égard, le travail du chef-op John R. Leonetti est réellement admirable, et l'importance accordée à la lumière est d'autant plus pertinente, dans ce qui se veut d'évidence un hommage à Bava, que ce dernier s'avéra en tout premier lieu un chef opérateur de génie tout au long de son œuvre. Rien, en effet, n'est aussi efficace qu'un éclairage décalé, c'est-à-dire aussi éloigné que possible de la lumière naturelle, dès lors qu'il s'agit d'induire un sentiment d'inquiétante étrangeté, procédé dont Bava et Argento abusèrent au point d'en faire quasiment une figure de style désormais classique dans le genre. Par ailleurs, l'esthète fantasticophile se régalera également d'une touche gothique directement importée des productions de l'incontournable Hammer, Wan ne se privant pas de trimballer ses personnages de cimetière brumeux en manoir hanté, dans une ville fantôme magnifiquement décrépite - la traversée en barque qui amène le héros jusque dans l'antre de la spectrale Mary Shaw prenant quant à elle des allures de croisière sur l'Achéron... Bref, le gothisme anglais des sixties s'enrichit ici d'un baroque typique de l'interprétation qu'en donna le bis italien à la même époque, ce qui ne manquera pas de réjouir les nostalgiques de cet Âge d'Or. Thématiquement, "Dead Silence" se donne également comme le digne héritier d'une longue lignée de classiques, puisqu'il y est question - il est grand temps que je vous en informe! - d'une histoire de poupées maléfiques. Dès l'abord, l'inquiétant mannequin dont hérite le héros et que l'on voit fabriquer sous nos yeux, alors que défile le générique, dans un simulacre prométhéen de l'acte de création divine, évoque au moins deux prédécesseurs prestigieux: le sketch "Le Mannequin du Ventriloque" d'Alberto Cavalcanti, tiré du chef-d'œuvre "Au Cœur de la Nuit" (1945), et son plus ou moins remake "Magic" (1978) de Richard Attenborough. Toutefois, malgré ces références évidentes, "Dead Silence" n'exploite pas le thème habituel d'une projection schizophrénique de la face obscure du ventriloque dans un alter-ego mécanique devenu le lieu d'un retour du refoulé, et préfère bifurquer vers un traitement à ma connaissance assez peu exploité, le marionnettiste n'étant rien moins ici que le fantôme d'une tueuse d'enfants se réincarnant dans ses poupées. Bien que ménageant quelques effets-choc efficacement amenés, Wan prend l'option d'angoisser durablement le spectateur plutôt que de chercher à le terrifier ou à l'horrifier franchement: un sentiment de sourde inquiétude perdure d'un bout à l'autre du film sans jamais véritablement se résoudre, et les moments de bravoure sont traités moins comme des fins en soi que comme des moyens d'entretenir la tension. Par exemple, et si violence il y a (les victimes se voient arracher la langue!), on est plus souvent confrontés à ses effets qu'on ne la voit réellement se déchaîner, et l'effet purement graphique n'est mobilisé par Wan qu'en dernier recours. Exit également les séquences d'action pure car, si les poupées de "Dead Silence" s'avèrent terriblement inquiétantes, c'est précisément du fait de leur quasi immobilisme. Ne vous attendez pas à les voir se jeter sur les protagonistes tel l'agité Chucky ou les créatures de la franchise "Puppet Master" de Charles Band, car James Wan la joue autrement plus fine: ses poupées à lui ne bougent "qu'avec contiguïté", dès que les personnages ou la caméra détournent le regard. D'un moment à l'autre, on les retrouve avec une expression différente, leur sourire évoluant peu à peu vers le rictus, ou s'étant insensiblement rapprochées comme dans une partie de "un-deux-trois-soleil". La relégation du mouvement hors-champ engendre dès lors un délicieux frisson, au travers de cet espace ménagé pour le doute qui actualise comme une fêlure dans les personnages - et dans le spectateur qui s'identifie à eux. Doute savamment entretenu par Mario Bava, soit dit en passant, dans la quasi totalité d'une œuvre dont les héros ne parviennent jamais à trancher dans une alternative qui renvoie inlassablement l'irruption effective de l'élément fantastique face à l'éventualité de leur propre folie... Par ailleurs, cette contiguïté inquiétante dans le mouvement, si bien exploitée par Wan, est redoublée dans la gestuelle saccadée inhérente à l'automate en tant que simulacre du vivant, comme si un miroir nous renvoyait le sentiment du grotesque de nos existences, suggérant par là une sorte de programmation du moindre de nos mouvements: moment suprême où l'original et le double se confondent, où le mécanique est "plaqué sur du vivant", pour paraphraser Bergson, et où le marionnettiste commence à se demander si c'est bien lui qui tire les ficelles... Car, comme son nom l'indique, la schizophrénie est bien le lieu d'une fêlure, laquelle s'actualise dans cette image maintes fois exploitée, mais toujours aussi traumatisante, de la poupée brisée. Autant de mécanismes, si j'ose dire, dont James Wan a une parfaite intelligence, et qu'il sait exploiter avec la précision d'un horloger, dans une mise en scène authentiquement visionnaire, d'une virtuosité assez remarquable, et qui propose toujours la bonne image au bon moment, créant chez le spectateur comme un écho qui vient titiller les angoisses les plus profondément archaïques. Ce somptueux délire visuel est d'ailleurs ce que nous retiendrons du film car, je suis au regret de vous le dire, le script de Leigh Wannell, déjà collaborateur de Wan sur "Saw", est loin d'être à la hauteur. En effet, s'il a le mérite de pointer avec pertinence tout se qui fait le charme vénéneux du "puppet-movie" et d'aligner quelques bonnes idées, celles-ci sont rarement exploitées jusqu'au bout et l'ensemble s'avère assez paresseux, manquant de ressort dramatique et sacrifiant trop souvent à la facilité de ficelles éprouvées. On déplorera notamment un twist-de-rigueur frisant le ridicule tellement il est tiré par les cheveux... Dommage, car le thème de l'enfance (qu'elle soit pervertie ou, comme c'est le cas ici, martyre) indéfectiblement lié à la figure de la poupée, était pourtant habilement amené, au travers d'une assez abominable comptine faisant ressurgir chez le héros toutes ses terreurs enfantines, et précipitant chez lui une régression en eaux troubles assez voisine, là encore, des obsessions de Bava et d'Argento - grands amateurs de comptines vénéneuses aux sinistres mélopées, de même d'ailleurs que de poupées inquiétantes. Toutefois, et en dépit des quelques réserves à l'endroit d'un scénar ma foi bien maladroit, servi par des acteurs assez peu charismatiques, ne vous privez surtout pas de visionner "Dead Silence", ne serait-ce que pour le plaisir des yeux, car James Wan s'y confirme un réalisateur extrêmement doué, en même temps qu'un cinéaste de genre comme on aimerait en voir plus souvent. J'ai d'ailleurs hâte de découvrir "Death Sentence" (2007), troisième opus du bonhomme qui, décidément imprévisible, donne cette fois dans le "vigilante-flick".

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

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"Hostel 2": une esthétique crapoteuse de site porno

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En tous cas, on aura évité un film bavard!

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Les bourreaux morflent aussi!

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Eli Roth arborre les couleurs!

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"28 Semaines plus tard": le retour des infectes "infectés"!

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Préservez-nous de nos amis!

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L'esprit de l'escalier!

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La fuite du père indigne...

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Les inquiétantes poupées de "Dead Silence"

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"Du mécanique plaqué sur du vivant"...

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Le héros, perdu dans des brumes gothiques...

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Chaud: le grand show de Mary Shaw!

30 mars 2009

WATCHMEN

Sortie en salles

WATCHMEN

de Zack Snyder (2009)

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"The Dark Knight" aura été l'événement 2008 en matière de superhero-movie, "Watchmen" sera incontestablement celui du millésime 2009, à moins qu'un outsider ne nous sorte quelque chose d'un chapeau, mais j'en doute... Enfin une adaptation digne de ce nom d'un comics d'Alan Moore, et Zack Snyder est loin d'avoir démérité, particulièrement lorsque l'on considère le matériau de base, œuvre anti-commerciale et sujet casse-gueule par excellence. Reste à savoir si le succès sera au rendez-vous car le film est sur la corde raide, louvoyant sur la frange très étroite qui sépare un public mainstream avide de spectaculaire, d'action et de stéréotypes, d'un cercle de puristes hardcore dont l'intégrisme est tout aussi redoutable, sachant que "Watchmen" est sans doute l'œuvre la plus culte de l'histoire du comics, pour ainsi dire son "Citizen Kane". De fait, il y a un avant et un après "Watchmen", et plus de vingt ans après sa publication (1985), le comics moderne continue de fonctionner selon les codes narratifs inédits introduits par Moore et systématisés derrière lui par toute l'école des scénaristes britanniques venus de l'institution "2000 AD". J'ai récemment écrit quelque part que Moore tranchait radicalement avec le style imposé par Marvel dans les sixties, constitué essentiellement de bastons sur les toits des buildings arrosés d'une bonne dose de soap. Au-delà de l'aspect purement parodique, Moore pratique une narration où la contemplation, la caractérisation des personnages et de leur milieu, et surtout la réflexivité mélancolique du regard que les (super) héros portent sur eux-mêmes constituent le pivot du récit, comme si le monde des comics marquait soudainement un temps mort pour s'auto-analyser. En effet, on ne compte plus les mises en abyme se développant dans l'œuvre de Moore, y compris dans "Watchmen" au travers de "Tales Of The Black Freighter", cet étrange "comics dans le comics", long hommage digressif rendu au dessinateur Joe Orlando et qui semble tout droit sorti de la plume hydrophobe de William Hope Hodgson - l'une des rares séquences que l'on ne retrouve pas dans la version cinéma.

Bref, c'est un truisme de le dire, il est évident que l'enjeu de "Watchmen" se situe au-dessus de la mêlée - au sens le plus littéral de l'expression - et que son propos transcende radicalement les quelques rares baffes que ses super-héros déchus échangent sporadiquement, comme pour justifier leur statut problématique. D'ailleurs, la présence d'un personnage comme le Docteur Manhattan, super-héros contemplatif et non interventionniste bien qu'omnipotent et omniscient au point de constituer à lui seul une arme de dissuasion, rend d'emblée caduque tout recours au bellicisme traditionnel des super-héros. C'est précisément ce que qui fait du film de Snyder une œuvre courageuse: d'avoir respecté quasi religieusement l'esprit du comics et réalisé un paradoxe cinématographique que l'on pourrait qualifier de "blockbuster contemplatif" ou encore - n'ayons pas peur des mots - une production cataloguée "entertainment" abordée avec l'intransigeance d'un véritable auteur. Une démarche que tous les yes-men précédemment commis à l'adaptation des comics de Moore s'étaient empressés de balayer sous le tapis, traficotant sans vergogne l'œuvre du Maître pour la réduire aux habituels stéréotypes hollywoodiens, et surtout prenant bien soin de contourner ce qui en constitue l'essence même. Mais c'est également ce qui fait de "Watchmen" le film de tous les dangers, en ce qu'il prend à contre-pied un public mainstream qu'il faut bien reconnaître plus adepte d'action bourrine et de spectacularisme creux tels que nous en propose Avi Narad au travers des productions estampillées Marvel... Ce public suivra-t-il Snyder sur les pas de Moore dans cette démarche quasi auteurisante et dans ce superhero-movie qui n'en est pas vraiment un? Saura-t-il comprendre et accepter l'amoralisme moorien dûment assumé - celui-là même que contournait soigneusement et traîtreusement l'eunuque "V pour Vendetta" de James McTeigue (2005) et, dans une moindre mesure, le "From Hell" des frères Hughes (2002) qui préféraient sacrifier le héros plutôt que de le faire céder à la corruption et vieillir dans la culpabilité? Encaissera-t-il la tonalité crépusculaire et désespérée de l'œuvre qui lui est proposée, ou, par exemple, le cynisme pragmatique d'un Ozymandias qui consiste, comme on éradique un membre gangrené, à sacrifier une partie de l'humanité pour éviter un carnage total, en lieu et place des bons sentiments puritains et des happy ends consensuels qu'on lui propose habituellement dans ce genre de productions? Supportera-t-il la violence exacerbée et d'autant plus percutante qu'elle se déchaîne aussi rarement que subitement (l'exécution d'un pédophile par Rorschach à coups de hachoir renvoie tous les "Hostel" et tous les "Saw" dans le bac à sable!), décrédibilisant par comparaison les affrontements timorés et propres sur eux de Spider-Man et autres Fantastiques? C'est là toute la question, dont dépend l'avenir du superhéro-movie: va-t-il, en quelque sorte, "sortir du placard" comme son référent le comic-book, et évoluer vers un état de modernité plus mature, ou va-t-on continuer à sempiternellement nous proposer des niaiseries à la Tim Story / Mark Steven Johnson? Car ne nous y trompons pas: avec "The Dark Knight" qui a brillamment essuyé les plâtres, et "Watchmen" qui radicalise la démarche entamée par celui-ci, le cinéma superhéroïque est à la veille d'opérer la révolution que le comics connut en 1985 grâce à la série de Moore et Gibbons, un peu comme le western fut ébranlé sur ses fondations dans les sixties par Sergio Leone, et ce par la même injection d'anti-héroïsme et de cynisme amoral venu de la vieille Europe, jetés à la face du puritanisme américain et du culte du héros comme une magnifique provocation subversive. Par le fait, le script de "Watchmen" est aussi atypique et tortueux que le fut en son temps celui d'"Il était une Fois dans l'Ouest". Mais ce n'est pas gagné: on a déjà vu la presse spécialisée dans le film de genre qualifier "The Dark Knight" de "film bavard", ce qui peut donner à penser que le bourrinage a encore de beaux jours devant lui...

Pour en venir au film lui-même, les fans de Moore en apprécieront, je pense, la fidélité exemplaire et la manière dont Snyder a collé à la continuité du comics de Moore et Gibbons, tout en dégraissant le script avec une rare pertinence pour se concentrer sur une intrigue centrale déjà suffisamment emberlificotée pour mobiliser toutes les synapses du spectateur, et qui à cet égard n'est pas sans évoquer - par son aspect à la fois urbain et labyrinthique, mais aussi au travers d'un Rorschach qui adopte la panoplie du détective privé "hard boiled" - les errances narratives et crépusculaires d'un Chandler. Ainsi, plusieurs visions du film me semblent nécessaires, du moins pour ceux qui n'ont pas lu le comics préalablement, afin de remettre en place une narration qui se donne sous forme d'un puzzle à la subtile complexité: un aspect qui culmine dans la sublime séquence "de la photographie", qui renvoie à la double ubiquité spatiale et temporelle du Docteur Manhattan. Nous sommes par ailleurs invités par Moore à une telle reconstitution au travers de la magnifique métaphore de l'horloger, métier exercé par le père du Docteur Manhattan, et qui tend à faire de celui-ci une sorte de déité voltairienne. Bref, pour en revenir à la lecture de Snyder, seul un inconditionnel profondément imprégné de l'œuvre originale était capable de lui élever un tel monument, qui témoigne à chaque instant d'une respect et d'une admiration sincère. L'esprit si particulier des scripts de Moore a été assimilé à cent pour cent et avec une grande intelligence du propos et, quant à la lettre, on n'assiste qu'à deux modifications notables. D'abord, la storyline déjà citée du "comics dans le comics", où l'action d'une BD lue par un personnage vient se placer en contrepoint des événements "réels", a été zappée en tant que purement digressive, et de ce fait d'un moindre intérêt dramatique par rapport à l'ensemble. Toutefois, que ceux que cette absence chagrine sachent que "Tales Of The Black Freighter" a fait parallèlement l'objet d'une adaptation signée Mike Smith, qui devrait sortir incessamment et dans laquelle on retrouvera Gerald "300" Butler. Sage coupure, à mon humble avis, sans laquelle cette séquence eût immanquablement plombé un film basé en grande partie sur des dialogues brillants ("trop bavard", diront d'aucuns...), dans lesquels on retrouve toutes les punchlines mémorables de Moore: "Ce n'est pas moi qui suis enfermé avec vous, c'est vous qui êtes enfermés avec moi!" (Rorschach), ou encore - pour le plaisir: "J'ai toujours considéré l'apparition de la vie comme un phénomène surestimé" (Docteur Manhattan). L'autre modification réside dans la fin, et s'avère purement formelle - je veux dire par là qu'elle n'altère pas substantiellement le propos de Moore. Je ne vous en dirais évidemment rien, mais sachez toutefois que d'une manière assez similaire à la conclusion de "The Dark Knight" (et à celle de "L'Homme qui tua Liberty Valance", de John Ford), les héros survivants endossent la "felix culpa" d'un mensonge officiel sur lequel repose le salut de l'humanité, ce qui leur confère une dimension christique, tandis que Rorschach, qui reste droit dans ses bottes, reprend à son compte l'attitude de Moore face à l'industrie du comics et du cinéma: "Pas de compromission, même devant l'Apocalypse!" Si ça, ce n'est pas un message...

Du point de vue de la forme, on ne pourra que louer la pertinence des choix de Snyder, qui a parfaitement su ajuster l'œuvre au médium cinéma sans la trahir, et ce façon fort habile: on est loin du mot-à-mot, ou plutôt du case-à-case séduisant mais maladroit du "Sin City" de Rodriguez / Miller (cf chronique éponyme) et du moyen terme entre comics et cinéma adopté pour "300" (également chroniqué en ces pages), dans lequel Snyder reprenait à son compte les techniques étonnantes de "Sin City", tout en évitant les excès de zèle qui amenèrent Rodriguez à réaliser un film quelque peu statique. Dans "Watchmen", l'esthétique est à la fois très originale et parfaitement maîtrisée: on n'a jamais l'impression d'assister à un comics animé de manière hyperréaliste, comme dans "300", et "Watchmen" se donne d'emblée comme un film live "qui s'assume". Mais pour autant, on retrouve parfaitement l'ambiance graphique du grand Dave Gibbons, ne serait-ce que par l'utilisation des couleurs franches qui sont pour ainsi dire sa signature. C'est là qu'entrent en jeu, je suppose, quoique de manière plus discrète, les fameux filtres qui ont fait la renommée de "Sin City" et "300". Par ailleurs, la mise en scène est extrêmement dynamique, ce qui ne l'empêche pas de coller à la mise en page magistrale du comics, balayant au fil des mouvements de caméra et à intervalles réguliers les cases les plus iconiques de Gibbons, recomposées avec un soin minutieux. Pour le dire autrement, l'occupation de l'espace du champ par les personnages, ainsi que les décors, sont également d'une fidélité exemplaire, et l'on pourrait décrire le travail de Snyder comme une synthèse particulièrement réussie entre la contiguïté constitutive du comics et la continuité qui est l'essence du cinéma. On assiste ainsi à de purs moments de grâce, le moindre n'étant pas l'hallucinant générique qui, sur "The Times They Are A-Changing" de Bob Dylan (chanson citée dans l'œuvre originale), réussit la performance de condenser les "documents annexes" dont Moore ne manque jamais de parsemer ses comics, et nous donne en quelque minutes sublimes une idée précise de l'évolution du monde uchronique des "Watchmen", au travers notamment d'instantanés des Minutemen retranscrivant à la perfection à la fois le ridicule des superhéros du Golden Age et la paradoxale, émouvante et sincère nostalgie qu'ils exercent sur Moore... Plus quelques innovations parodiques typiquement mooresques, telles qu'Andy Warhol posant devant une sérigraphie du Hibou! Les SFX, quant à eux, sont la plupart du temps mobilisés pour offrir des moments de pure contemplation au spectateur: ainsi la séquence où le Docteur Manhattan élabore son superbe et complexe édifice sur Mars, tout en faisant l'apologie de la matière inerte, ne manque pas de faire écho à "2001, l'Odyssée de l'Espace", à la fois par la magie et le psychédélisme qui en émanent. Référence à Kubrick d'ailleurs relayée par un Richard Nixon en roue libre qui s'avère une sorte de remake du "Docteur Folamour". Ceci pour dire que, même si Snyder a ses propres idoles, l'aspect multi-référentiel des comics de Moore est également parfaitement respecté, et que les fans se feront un régal, lorsque le DVD sera sorti, de se le repasser en boucle pour repérer toutes les allusions culturelles qui parsèment le film.

Pour son troisième opus, Snyder nous gratifie donc d'un authentique chef-d'œuvre, et place la barre très haut dans le genre superhéroïque. On a du mal à imaginer comment les futures productions, tant chez Warner/DC que chez Fox/Marvel, pourront rivaliser avec "Watchmen". Quoi qu'il en soit, on peut au moins espérer qu'il constituera une espèce de locomotive qui tirera le genre vers le haut... Sinon, et bien on est d'ores et déjà en présence d'un futur classique, une œuvre avant-gardiste déjà culte qui fera date dans l'histoire du cinéma mainstream, et ce quels que soient ses résultats au box-office.

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18849987&cfilm=57769.html

Voir également la chronique (en trois épisodes) de l'ami Sigismund:

http://imagesquibougent.canalblog.com/archives/2009/03/07/index.html
http://imagesquibougent.canalblog.com/archives/2009/03/08/index.html
http://imagesquibougent.canalblog.com/archives/2009/03/09/index.html

...ainsi que celle de l'ami Indiana Jones (oui, c'est mon copain!):

http://cinemadolivier.canalblog.com/tag/watchmen%20les%20gardiens

Aujourd'hui, l'iconographie sera comparative:

rorschach

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Rorschach

hibou

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Le Hibou

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Ozymandias

spectre

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Le Spectre Soyeux

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Le Docteur Manhattan au Vietnam

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Le Comédien et l'Owlship

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Rorschach en action

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Les Minutemen

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La mort du Comédien

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Le Hibou et le Spectre Soyeux, après l'amour...

8 mars 2009

ET POUR QUELQUES MOLLARDS DE PLUS... (Fév 2009)

Fin de mois

ET POUR QUELQUES MOLLARDS DE PLUS...

(ou: "Les chroniques auxquelles vous croyiez pouvoir échapper!")

Mille excuses platissimes pour mon récent absentéisme: il n'est pas question de démotivation comme certains d'entre mes lecteurs ont pu le craindre, mais tout bêtement de problèmes de bécane ayant nécessité l'intervention de gens plus compétents que moi - un grand merci à Philippe pour sa patience et son abnégation à me sortir de la merde du tristement célèbre "blue screen", un effet très spécial et hautement indésirable... Je soupçonne d'ailleurs les frères Wachowski de s'être bassement vengés en m'expédiant une quelconque vérole matricielle, ce qui ne m'empêchera pas de leur dire que je leur pisse au cul à trente mètres sans en toucher les bords, et que le "Watchmen" de Zack Snyder (chronique bientôt) renvoie leur pitoyable "V pour Vendetta" dans les oubliettes de leur grandiloquente médiocrité. Rien à voir avec les "Mollards" ci-dessous, me direz-vous, mais bon, quand Patchworkman fâché, Patchworkman toujours taper sur les Watchowski, même si on sait pas pourquoi, eux ils le savent! Un dernier mot: je vais répondre incessamment à tous les commentaires faits sur les récentes chroniques, je m'en serais déjà acquitté si j'en avait eu la possibilité, mais voilà... maudits Wachowski!

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Comics

DC UNIVERSE HORS-SÉRIE #11

"L'Attaque des Amazones" (2)

par Will Pfeifer & Phil Woods

(Panini - Octobre 2008)

Ma foi, je n'ai pas grand chose à rajouter à ce que j'ai déjà exposé dans ma chronique du #10 de "DC Universe Hors-Série" ("Mollards" d'Août 2008) qui présentait les trois premiers épisodes de la mini-série "Amazons Attack". La saga est certes fort intéressante et bien réalisée, tant d'un point de vue scénaristique que graphique, mais l'on retrouve toujours les mêmes trous dans la narration entre les différents épisodes, puisque le tome 2 des aventures de Wonder Woman qui complète ce crossover "en alternance" est toujours attendu chez nous dans la collection "DC Heroes". Dès sa parution, et en ajoutant les #48 et 49 des "Teen Titans" (parus dans "DC Universe" #36 et 37) qui participent aussi du crossover, on pourra enfin s'offrir une lecture complète et cohérente de la saga. Enfin... "relativement" complète, car entre les épisodes 4 et 5, Batman disparaît subitement pour faire un crochet dans "Catwoman" #69, séquence dont on peut d'ores et déjà faire son deuil puisque la série n'a jamais été publiée en France, et n'est pas près de l'être... Au terme du #6, on restera sur un cliffhanger des plus sadiques, la mini-série s'achevant sans s'achever sur un coup de théâtre assez inattendu, dont on n'obtiendra le dénouement que dans "Final Crisis" (publication annoncée à compter de Juillet 2009 par Panini), ce qui pose "Amazons Attack" en tant que prélude de cette énième "crise". Ceux qui pensaient pouvoir se lire une mini-série DC tranquilles, c'est-à-dire sans s'immerger à nouveau dans l'enfer céphalo-méningé d'un mega-crossover, en seront donc pour leurs frais... sans parler de l'organisation du calendrier des parutions chez Panini, qui s'est avérée un peu légère sur ce coup...

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Comics

SUPERMAN & BATMAN HORS-SÉRIE #6

"Le jeune Prodige" (5)

par Frank Miller & Jim Lee

(Panini - Décembre 2008)

Après une pause réservée au "All-Star Superman" de Morrison et Quitely dans son #5, la revue "Superman & Batman Hors-Série" reprend la saga "All-Star Batman" avec les épisodes #9 et 10. Fort de l'impunité éditoriale que confèrent les réalités alternatives, Frank Miller se montre de plus en plus délirant et irrévérentieux, comme le prouve l'entrevue entre Batman et Green Lantern qui occupe la quasi-totalité du #9. Un épisode anthologique dont la particularité est d'être presque entièrement COLORISÉ EN JAUNE (!!!) puisque, comme le savent tous les fans de GL, ce dernier est quelque peu allergique à cette couleur... C'est donc afin de neutraliser son anneau que Batman repeint tout le décor en jaune - y compris lui-même et Robin!!! - ce qui nous vaut un grand moment de comics foutraque! La conversation qui s'ensuit ne l'est pas moins car, au-delà d'un Green Lantern qui, en tant que messager de la JLA, vient reprocher ses méthodes par trop viriles à un Batman décidément imbuvable, ce ne sont rien moins que deux conceptions du comics qui s'affrontent: d'une part la vision urbaine, crépusculaire, nietzschéenne, hyper violente et politiquement incorrecte qui caractérise la manière habituelle de Miller, et d'autre part la conception du comics mainstream qui, pour lui devoir beaucoup et s'être affranchie de pas mal de tabous, n'en semble pas moins encore trop édulcorée au goût de l'auteur de "Year One"... Mieux: si je ne craignais pas de me faire taxer de partialité, je tenterais volontiers un brin d'exégèse de cette "méta-textualité" pour y voir une descente en flammes de la série "Green Lantern" de Geoff Johns, scénariste-star de DC qui donne le ton à toute la production de la firme... Car ce pauvre Hal Jordan se voit tout de même tourné en bourrique d'un bout à l'autre de l'épisode, pour finir copieusement dérouillé et envoyé à l'hosto par un Robin qui, sans doute trop bien formé, dépasse son maître en infamie! Après ce règlement de comptes par super-héros interposés, on replonge plus profondément que jamais dans le style sordo-crépusculaire, avec un #10 qui donne la vedette au commissaire Gordon. Affligé d'une femme alcoolo qui casse de la tôle et du mobilier urbain avant de terminer à l'hosto, ainsi que d'une fille qui se fait ramasser par les keufs en costume de Batgirl, il se sent soudain très vieux... Accessoirement, on apprend (résurgence de "Year One") qu'il a une maîtresse, dissimule quelques cadavres dans ses placards, et entretient une relation officieuse à la "je-t'aime-moi-non-plus" avec notre Dark Knight... Bref, deux épisodes millerissimes, et qui ne laissent pas de nous mettre l'eau à la bouche quant à ce que ce diable d'homme garde en réserve pour la suite de cette saga où la noirceur le dispute à la bouffonnerie.

I_drink_your_blood

DVD

BUVEURS DE SANG (I Drink Your Blood)

de David E. Durston (1970)

"Mad Movies" attaque très fort en proposant, avec son n°214 de Décembre 2008, ce chef-d'oeuvre absolu du nanar américain, à propos duquel Robert Rodriguez ne tarit pas d'éloges. Pur produit de drive-in, circuit dans lequel les films étaient exploités par paires, "I Drink Your Blood" (chez nous: "Buveurs de Sang") fut projeté à sa sortie en 1970 en compagnie d'une autre zéderie fort pertinemment intitulée "I Eat Your Skin", ce qui était en fait un retitrage de "Zombies", vieux navet réalisé en 1964 par un certain Del Tenney et déterré par le producteur Jerry Gross - auquel l'Internationale nanardeuse devrait élever un monument! D'ailleurs, mon flair me dit qu'on va voir "I Eat Your Skin" resurgir incessamment, dans un prochain numéro de "Mad", par exemple... Mais revenons à nos vampires, en attendant les cannibales: l'histoire est abracadabrantesque au possible, les acteurs superbement mauvais, le budget subliminal, la mise en scène approximative, les effets spéciaux réalisés par Buitoni, mais putain que c'est bon! Le nanar idéal, de la plus parfaite imperfection, si vous voyez ce que je veux dire... L'argument en lui-même mérite au moins un prix Nobel: une bande de hippies à peine caricaturaux et un peu satanistes sur les bords, genre "Manson Family", sème la terreur à Plouc-City. Pour se venger de ces affreux qui ont obligé son grand-père à bouffer un acide (attention séquence d'anthologie: le pépé en plein trip!), un sale gosse prélève le sang d'un clébard enragé et le réinjecte dans les tourtes au poulet (spécialité locale!) qui constituent leur repas. La bande est alors saisie d'une frénésie meurtrière qui va les porter aux extrêmes limites du... comique involontaire!!! À ce sujet, le réalisateur n'est pas en reste et, à l'entendre commenter son nanar dans les boni du DVD, on jurerait qu'il a réalisé pour le moins l'équivalent de "Citizen Kane"! Bref, que du plaisir, et un must définitif pour tous les fondus de nanars!

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.youtube.com/watch?v=WOC2z_cDc5E

FF_aff

Vu à la télé

LES QUATRE FANTASTIQUES ET LE

SURFER D'ARGENT

(4: Rise Of The Silver Surfer)

de Tim Story (2006)

Là, on n'a plus la trop fameuse excuse "de l'acte d'exposition", et pourtant le sous-doué Tom Story foire encore sa copie de façon plus que lamentable. Par ailleurs, on ne va pas tirer sur les ambulances et s'appesantir sur la triste condition de yes-man de ce réalisateur qui, comme tant d'autres, se contente de faire très précisément là où on lui dit, ce qui prouve simplement que c'est un bon toutou auquel on a appris le caniveau. En revanche, s'intéresser de façon plus générale à la politique des studios en matière de films superhéroïques, et en particulier à l'approche d'Avi Narad, producteur et principal coordonnateur entre Marvel et la Fox, me paraît nettement plus significatif. Car au moment où l'univers des comics se fait de plus en plus adulte et flirte avec un pessimisme réaliste digne des meilleurs romans noirs, les adaptations ciné (à ces quelques exceptions près que sont Nolan, Miller et autre Singer) suivent exactement le mouvement inverse et proposent des films de plus en plus infantiles, à tel point qu'en comparaison les productions Disney ressemblent à des sommets de politiquement incorrect! Bon, que "Les Quatre Fantastiques et le Surfer d'Argent" soit un film pour les gniards, je n'ai rien contre à la limite, mais ça n'excuse pas pour autant l'extrême médiocrité de l'entreprise, et surtout pas celle d'un script qui, brassant des épisodes aussi historiques que "Bedlam At The Baxter Building", la célèbre "Trilogie de Galactus" ou encore l'arc fameux de la rencontre Fatalis / Surfer (1), restitue au final un brouet indigeste à force de compression réductrice des diverses storylines qui, à trop vouloir en dire, finit tout simplement par ne rien raconter du tout. Je passe rapidement sur le mariage de Reed et Sue, réduit à une séquence digne de n'importe quelle sitcom débile où l'on voit Mr Fantastic danser avec des pouffiasses façon Paris Hilton, pour vous parler du tour de force de cette ébauche de scénario qui a tout de même réussi à ramener des personnages aussi charismatiques que le Surfer d'Argent et le Docteur Fatalis à l'état de simples figurants. Mais l'apothéose est atteinte avec Galactus, bâclé avec quatre ronds de fumée! Visiblement, ni Tom Story ni les scénaristes (parmi lesquels on est navré de retrouver Mark Frost, co-créateur avec David Lynch du chef-d'oeuvre télévisuel "Twin Peaks") ne savent quoi foutre de leurs personnages, et préfèrent tirer à la ligne avec d'interminables bavardages pseudo-scientifiques, ou encore les engueulades de Reed avec une ganache galonnée. Pour tout arranger, les CGI sont d'une hideur et d'une indigence proprement honteuses par rapport au budget alloué à cette merde, et les acteurs sont toujours à prendre à coups de gifles. L'attrape-gogo typique, avec le Surfer dans le rôle de l'effet d'annonce!

Note:

(1): "Bedlam At The Baxter Building": publié dans "Fantastic Four Annual" #3 - publication française chez Panini dans l'Intégrale "Fantastic Four 1965" (voir chronique éponyme). Quant à la "Trilogie de Galactus" ("Fantastic Four" #48-50), vous la trouverez dans le volume 1966 de cette même Intégrale, ainsi que le "Fantastic Four" #57 qui voit le début de la confrontation Surfer / Fatalis, celle-ci s'achevant dans le #58 qui ouvre le volume 1967 (voir "Mollards" de Juillet 2008).

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18731066&cfilm=109443.html

Voir également la chronique de l'ami Erwan (et tant que vous y êtes, exhortez-le à reprendre son blog):

http://misterwan.canalblog.com/archives/2008/04/18/index.html

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Vu à la télé

DRAGON ROUGE (Red Dragon)

de Brett Ratner (2002)

Voilà encore une preuve éclatante, si besoin en était, de la nullité abyssale de Brett Ratner - plus connu dans le milieu sous le sobriquet très valorisant de "The Rat". Après le magistral "Le Silence des Agneaux" de Jonathan Demme (1) et le potable "Hannibal" de Ridley Scott, le marchand de soupe Dino de Laurentiis décide d'allonger le potage en adaptant "Dragon Rouge", premier épisode des aventures de notre cannibale favori, feignant d'ignorer l'existence de la remarquable version qu'en a tiré un Michael Mann en état de grâce sous le titre "Manhunter" (en France: "Le sixième Sens"). Las, Ratner n'est ni Demme ni Scott, et on s'ennuie ferme devant l'effarante platitude de sa réalisation, qui enchaîne les plans sans âme à la manière d'un fonctionnaire municipal rendant un rapport circonstancié sur l'état des ronds-points de la commune! À aucun moment, Ratner ne se montre capable de susciter la moindre émotion, ce qui est tout de même un comble lorsqu'on adapte un thriller de Thomas Harris, dans lequel ce ne sont pourtant pas les occasions qui manquent, étant donnée la noirceur du matériau de base. On n'a jamais peur, pas plus que l'on horrifié, ni même intéressé un tant soit peu par le déroulement de l'intrigue, et surtout l'on ne parvient à s'identifier à aucun des personnages, tant les acteurs semblent démotivés. Entre un Anthony Hopkins cabotin et limite cacochyme et un Harvey Keitel qui pense à ces putains d'impôts qu'il va enfin pouvoir payer, ce n'est certes pas la prestation léthargique de cette saucisse d'Edward Norton qui nous fera oublier l'interprétation habitée que William Petersen donnait du profiler Will Graham dans la version de Mann... Pire: même Ralph Fiennes, pourtant habituellement excellent dans le registre psychopathe (voir le "Spider" de Cronenberg), ne parvient pas à tirer son épingle du jeu, et à remédier à l'incroyable carence de climat et de tension de l'ensemble. Bref, on oublie, et on se précipite dans le premier vidéo-shop s'offrir le DVD de "Manhunter".

Note:

(1): Voir "Mollards" de Mars 2007

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18673448&cfilm=39178.html

hole_aff

Vu à la télé

THE HOLE

de Nick Hamm (2000)

Quatre ados, inévitablement bas du front et sortis d'un collège pour gosses de riches, qui se laissent enfermer par le geek de service, et pour d'obscures raisons dont les scénaristes eux-mêmes n'ont pas la moindre idée, dans un bunker souterrain, ça vous branche? Une seule, l'héroïne, en sortira vivante... Mais que s'est-il passé durant ces trois jours de claustration volontaire? Pas grand-chose, vous pouvez m'en croire, si ce ne sont les habituelles vannes à deux balles débitées par ce quarteron de stéréotypes (la blondasse bimbo, le bel et non moins blond athlète viril, le fils de milliardaire américain pourri par le fric, et l'héroïne timide et transie d'amour pour le précédent), qui ne s'arrêtent de dire des conneries que pour partouzer et picoler et fumer des oinjs... On tourne donc en rond dans ce bunker où l'on s'ennuie ferme, au fil d'une série de flash-back donnant chacun une version différente de l'affaire, car figurez-vous qu'en plus les auteurs de ce navet se la jouent façon "Quatuor d'Alexandrie"! Mais ni les retournements de situation artificiels, ni les twists poussifs ne parviendront à nous garder les yeux ouverts... C'est donc sans regret que je renvoie cette bande de jeunes imbéciles dans le "trou" dont ils n'auraient jamais dû sortir!

Cliquez sur le lien pour voir la bande-annonce:

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18654601&cfilm=35097.html

Tom_Strong_couv

Comics

TOM STRONG - Tome 4

par Alan Moore, Chris Sprouse,

Howard Chaykin & Shawn McManus

(Panini - coll "100% ABC - Juillet 2008)

La parution de ce quatrième volume de "Tom Strong" me donne l'occasion de féliciter Panini pour le beau travail réalisé, dans la continuité des défunts "SEMIC-Books", sur les séries de la ligne de comics "ABC", créée par Alan Moore pour Wildstorm, firme rachetée depuis par DC. Autant pour "Tom Strong" que pour "Promethea" ou "Top Ten", Panini n'a pas laissé tomber les fans de Moore et a assuré la continuité de la publication des séries en France, les reprenant comme si le passage de relais n'avait jamais eu lieu, et qui plus est dans une formule largement inspirée des "SEMICS-Books", tant du point de vue de la présentation (on trouve même le fameux marque-page découpable sur le rabat de la couverture) que de celui d'un rapport qualité / prix optimal. Adonc, ce tome 4 regroupe les #15 à 19 (Mars 2002 - Avril 2003) d'une série qui s'acheva en Janvier 2006 avec son #35 - la contribution de Moore prenant fin quant à elle avec le #22. On y retrouve évidemment tout ce qui fait le charme du Maître, à savoir un mélange tout à fait fascinant de parodie et d'hommage respectueux aux comics du Golden Age, et on se perd une fois de plus dans cet univers hyper-référentiel où les vieilles légendes américaines (l'affaire des disparus de "Croatan") côtoient les théories les plus avancées - et souvent assez loufoquement détournées - de la physique moderne, ainsi que les codes, non moins malmenés, du comics classique et d'une certaine littérature populaire (rappelons que Tom Strong a été pensé sur le modèle du célèbre Doc Savage, star de la littérature enfantine qui fut aux States une sorte d'équivalent de notre Bob Morane national). Par le fait, Tom Strong se trouve être un héros absolument positif, et la narration habile de Moore ne se permet jamais d'appuyer la parodie au point de le ridiculiser, l'approche humoristique se tournant plus volontiers vers une sincère nostalgie d'une certaine "innocence perdue" du comics, reconstituée avec une naïveté à la fois feinte et paradoxalement très émouvante. Car ce n'est pas le moindre des charmes discrets de Moore, auteur de comics définitivement inclassable, que cette légèreté avec laquelle il développe les différents niveaux (nostalgiques, parodiques, idéologiques, etc...) de sa narration, et au bout du compte la séduction opère de façon imparable sans qu'on puisse jamais en décrire les raisons de façon satisfaisante. Certes, dans l'œuvre de Moore, "Tom Strong" peut sembler, du fait même de cette légèreté de ton, quelque peu anecdotique par rapport à d'autres séries beaucoup plus essentielles, mais l'anecdote elle-même prend chez lui de telles proportions qu'elle demeure encore un modèle pour l'ensemble du monde du comics.

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Comics

WALKING DEAD #7

"Dans l'Oeil du Cyclone"

par Robert Kirkman & Charlie Adlard

(Delcourt - Janvier 2009)

Déjà sept volumes parus de la série-fleuve de Robert Kirkman et Charlie Adlard, et c'est toujours autant de la balle! Pas le moindre signe d'essoufflement dans cette chronique au jour le jour d'une communauté de survivants dans un monde envahi par les zombies et qui pourrait bien être, pour ce que l'on en sait, celui-là même dans lequel se déroule la fameuse saga de George A. Romero, tant il est vrai que tous les codes sont là. Ce qui ne manque pas de nous laisser sur le cul, c'est: comment une série de conception aussi classique, déclinée qui plus est dans un noir et blanc impitoyable, sans fioriture et brut de décoffrage, peut-elle s'avérer d'une telle efficacité? Peut-être précisément parce que Kirkman et Adlard nous racontent leur histoire "à l'ancienne", sans aucun de ces artifices formels narratifs ou graphiques à la mode, plus ou moins heureux selon qui les emploie. Avec Kirkman et Adlard, le lecteur redécouvre les joies de la rigueur et du scénar ficelé aux petits oignons, sans aucune concession faite à la facilité, aux effets inutiles, aux tirages à la ligne et à l'auto-contemplation. On retrouve cette notion de "roman graphique", chère à la défunte revue "À Suivre..." et que l'on croyait typiquement européenne, tant cette saga renoue avec une dimension romanesque que l'on trouve rarement dans le comics. Par le fait, c'est aussi rigoureusement composé que "La Comédie humaine" ou les "Rougon-Macquart" - sauf que, ben ouais, ça se passe chez les zomblards, ça on peut pas dire le contraire... Mais là encore, et toujours comme chez Romero, les morts-vivants ne sont jamais que le prétexte pour pousser dans ses derniers retranchements sociologiques une humanité toujours prête à régresser jusqu'en son point zéro, et que c'est bien là le thème que Kirkman a décidé de disséquer dans la moindre de ses variations. D'une manière ou d'une autre, et ce depuis "La Nuit des Morts-Vivants", mettre l'humain face au zombie, c'est confronter la tentation du pouvoir aveugle et autodestructrice à l'innocence du pur instinct. Au moment où je vous cause, nos héros ont d'ailleurs affaire à une autre communauté voisine et néanmoins antagoniste, puisque ayant lâché la bride à ses plus immondes pulsions pour fonder une micro-société totalitaire (on y retrouve d'ailleurs le thème romérien des zombies utilisés pour "les jeux du cirque", directement importé de "Land Of The Dead"), gouvernée par un vilain d'autant plus inquiétant qu'il s'est vu arracher quelques membres et organes divers dans le volume précédent, ce qui ne l'empêche pas de revenir à la fin de ce tome pour réclamer vengeance, à la tête d'une véritable armée. Ça va saigner grave, dans le tome 9!

Voir également la chronique de l'ami Erwan (y'en a que pour lui ce mois-ci! Allez, reviens, Erwan):

http://misterwan.canalblog.com/archives/2008/02/26/index.html

DCU

"L'Attaque des Amazones": le torchon brûle entre Wonder Woman et Hippolyte...

B___S

Batman et Robin: yellow is beautiful!

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"Buveurs de Sang": le nanar qui vous prend la tête!

FF

Le Surfer plaqué argent, ou le retour du bling-bling mochasse!

hole

"The Hole": ça nous en fera pas un autre!

dragon

"Dragon Rouge": en fait, on l'a dans le dos!

Tom_Strong

"Tom Strong": de la technologie considéré comme l'un des Beaux Arts!

walking_dead

Cool! y'a un nouveau vilain dans "Walking Dead"!

MangArmor_

Et pendant ce temps-là, notre ami Bruno dessine toujours...

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