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patchworkman's blog
15 mai 2008

PREACHER - vol 3

Comics

PREACHER - Vol 3: "Fiers Américains"

par Garth Ennis & Matt Dillon (Panini - coll "Vertigo" - Mars 2008)

couv

Une petite minute, que je me mette dans l'ambiance: voilà, "Search And Destroy" sur la platine, de nos amis les Stooges, ça devrait me rythmer caracho la chronique! Parce que s'il y a un comics où ça search et où ça destroy lorsque ça trouve, c'est bien le "Preacher", dont Panini nous propose le troisième tome regroupant les épisodes 18 à 26 (Octobre 96 à Juin 97).

Adonc, ce bel album dessiné à l'hémoglobine et colorié à la cervelle fraîche s'ouvre sur un fill-in attendrissant au possible (#18) qui nous en dit un peu plus long sur le papa de Jesse qu'on a vu, vous en souvient-il ma mie, se faire exploser le teston dans le tome précédent. Cette petite escapade du côté de l'émotion est toutefois fort tempérée par son contexte vietnamien: nul besoin de vous faire un dessin, le Vietnam vu par Ennis et Dillon, vous devez avoir une petite idée de ce que ça peut donner! Au passage, on remonte aux sources de l'obsession du Preacher pour John Wayne, ce qui nous amène à cette conclusion: le patriotisme est bel et bien soluble dans la dérision!

Après cet intermède, on replonge aussi sec (#19 à 24) dans l'arc entamé dans le volume 2, à savoir l'affrontement entre Jesse et la secte "Graal" dans le Midi de la France qui constitue l'essentiel de cet album: l'occasion pour nous de croiser, entre deux punchlines francophobes, une pléiade de nouveaux personnages hauts en couleurs. À tout seigneur tout honneur, commençons par l'Archipère, un énorme poussah difforme à côté duquel le Kingpin de Marvel ressemble à une miniature, et qui baptise son monde à grands jets de vomi. Dans son sillage suit le dernier descendant du Christ en personne, arriéré mental à force de consanguinité qui pisse partout et en particulier sur les gens. On le voit, Ennis n'y va pas de main morte avec un christianisme qui semble au plus haut point exciter sa verve blasphématoire. Et ce n'est qu'un début: tandis que Cass se fait interminablement éparpiller au riot-gun par un maffieux castré, Jesse débarque pour faire du dégât, suivi de près par l'indestructible "Saint des Saints" qui obstrue les couloirs à force d'empiler les cadavres!

Bref, chaque page que l'on tourne nous fait franchir un nouveau degré dans une abjection non seulement assumée, mais revendiquée à outrance. Sauf que tout cela n'a rien de bien sérieux et que ce comics, qui a fait de la démesure sadique-anale sa profession de foi, évoque plutôt la provocation, à la fois transgressive et régressive, de deux sales gosses s'acharnant à défier l'image du Père et à éprouver les limites de l'autorité en poussant le bouchon le plus loin possible. Soit: un comportement infantile et fier de l'être de par sa perversité "polymorphe" - pour reprendre une célèbre définition freudienne - qui oppose aux valeurs les plus institutionnelles de l'autorité l'exaltation grandguignolesque des ses interdits les plus catégoriques. Dans cette sphère que j'ai qualifiée de sadique-anale et où l'on devine en filigrane la silhouette du Divin Marquis, il est logique qu'à l'omniprésence phallique des armes réponde la menace permanente et obsessionnelle de la castration: on a bien sûr souvenir de ce shérif, caricature de virilité sudiste américaine, qui dans le premier tome finissait sodomisé par son propre sexe castré, à la fois dévirilisé et féminisé, avant de réclamer son flingue, indifféremment prothèse et substitut, pour partir dans une ultime et symbolique éjaculation de plomb. De même que son fils qui, reproduisant le suicide de son idole Kurt Cobain, se livrait autour du canon d'un flingue à un simulacre de fellation pour finir avec un trou du cul au beau milieu de la figure! Ici, le martyre de Cassidy, immortel et indestructible en tant que vampire, renvoie à la même obsession: plus Frankie, paradoxalement castré et macho (il est sicilien!), s'acharne sur la virilité de sa victime au moyen du riot-gun qui lui tient désormais lieu de phallus, plus Cassidy, moderne Saint-Éloi, refuse de "débander" avec une obstination qui renvoie son bourreau à sa propre condition d'eunuque. Dès lors, l'arme à feu se fait ambivalence, à la fois proclamation de la toute-puissance phallique de l'Amérique, et attestation de son impuissance de par sa fonction substitutive. Bref, s'il y a une thématique centrale dans "Preacher", c'est bien celle d'une psychanalyse du flingue!

Heureusement (ou malheureusement, c'est selon...), les choses se calment un peu dans les # 25 et 26, qui clôturent ce volume en nous relatant les origines de Cassidy. Deux épisodes empreints d'une nostalgie émouvante, certes, mais qui n'empêche pas Ennis de démythifier de façon assez radicale la révolution irlandaise et d'ironiser, quoiqu'avec tendresse, sur la communauté des immigrants, parmi laquelle on retrouve notre bon vieux Cass qui traverse les siècles en philosophant sur la tragi-comique condition des Irlandais américains. Décidément, l'infâme Ennis ne respecte vraiment rien!

Signalons au passage les couvertures originales de l'excellent Glenn Fabry, reproduites dans leur exhaustivité par la présente édition, et qui constituent incontestablement l'un des temps forts de cette oeuvre "pour lecteurs avertis" - et vous ne pourrez pas dire que vous ne l'avez pas été!

Pour terminer, big up à mon fiston qui a pris l'initiative de me faire découvrir ce comics en m'offrant le tome 1, estimant que "Batman et Alan Moore, c'est bien beau, mais y'a pas que ça sur terre!" C'est malin: à présent, me voilà accro au "Preacher", ce qui augure de fort sanguinolentes chroniques à venir! Tel que vous me voyez, je fantasme déjà sur le contenu du tome 4 - qui nous proposera du matériel inédit en France (1) - tandis que, sur la platine, Iggy chuinte "Penetration"...

Note:

(1): En effet, les épisodes publiés jusqu'ici par Panini ont fait chez nous l'objet d'une précédente édition de 1997 à 1999, chez "Le Téméraire".

jesse

Le Preacher est de retour, et il est très vénère!

archip_re

L'Archipère: une sorte de Kingpin scato!

christ

Le Sang du Christ, fortement dilué dans l'urine!

saint

Le "Saint des Saints", dans une forme olympique!

vietnam

Le Vietnam vu par Ennis et Dillon...

humour

Un sens de l'humour très particulier!

cass

Le martyre de Cass: couverture originale de Glenn Fabry

mouton

Mais que fait Brigitte Bardot?

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Commentaires
P
Ravi de découvrir un nouveau membre de la secte des adorateurs du Preacher! Toi qui "ctitique tout", ça serait cool que tu te fende à ton tour d'une chronique: on n'a jamais assez de nouveaux adeptes!
P
Ben, la belle intégrale proposée par Panini est peut-être l'occasion se t'y mettre de manière un peu plus organisée...<br /> King, je suis en plein dedans: Albin Michel vient de sortir "Blaze", un fond de tiroir de jeunesse étiqueté Richard Bachman. C'est une espèce de polar bouseux, quelque part entre Jim Thompson et les frères Coen, intéressant en tous cas. J'essaierai de vous chroniquer ça bientôt, si le temps (toujours lui!) m'en est laissé...
P
Où Ennis veut en venir? Ma foi, à mon sens ¨Preacher" est une charge furieuse et débridée contre une certaine Amérique profonde et bas du front, qui s'exprime par le piétinement acharné de ses valeurs les plus sacrées, à savoir: un certain fanatisme religieux qui a pour fonction de légitimer le recours systématique à la violence, omniprésente au travers du culte de l'arme à feu qui, comme j'ai pu le décrire, renvoie dialectiquement à l'angoisse de la castration. Sauf que les auteurs combattent le feu par le feu, et que les héros opposent aux agresseurs une violence décuplée, par laquelle on entre dans une dimension grandguignolesque, censée exprimer la distance prise par rapport aux débordements outranciers qui nous sont montrés. Par ailleurs, ce comics assez unique en son genre cherche également à faire table rase du "politiquement correct" qui sévit un peu partout depuis les 90's, au travers d'anti-héros qui font passer le pragmatisme devant la moralité de leur entreprise. Comme l'a fait remarquer un critique: "Enfin des héros qui ne se laissent pas marcher sur les pieds!" Par le fait, après avoir lu "Preacher", voir Wonder-Woman tordre le cou de Maxwell Lord dans "The OMAC Project" fait doucement rigoler!
D
Je suis également accro de ce comics ... Merci à Margot X pour m'avoir fait découvrir ce bijou et bravo à TOI pour cette critique parfaite du volume 3 !!!
F
Preacher, une vraie bonne série, ou comme Sigis' je n'en ai lu que quelques uns dans le désordre aussi (dont un H.S "Le saint des Tueurs").<br /> <br /> Je me suis bien régalé en les lisant, et j'espère avoir le temps un de ces 4 pour continuer, mais il y a aussi les oeuvres de Stephen King à finir de lire (ou à voir...), et bien d'autres choses.<br /> <br /> Ralala que le temps passe trop vite ma foi.
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