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patchworkman's blog
17 février 2007

LA FIANCEE DE DRACULA

Vu à la télé

LA FIANCÉE DE DRACULA

de Jean Rollin (2002)

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Contre toute attente (j'en suis le premier surpris!), le pape incontesté du nanar français, adressant un magnifique bras d'honneur au box-office et à la cinéphilie bien propre sur elle, continue à tourner contre vents et marées en ce troisième millénaire et à arroser l'underground de ses bobines aussi fauchées que bizarroïdes. Fidèle à sa marque de fabrique et à son obsession des femmes vampires aux seins menus - à cet égard, l'homme est un peu l'antithèse de Russ Meyer! - Rollin se dégotte une de ces ruines gothiques dont il a le secret et, en dépit de moyens faméliques, accouche d'une oeuvre qui, pour indiscutablement Z qu'elle soit, n'en exerce pas moins une indéniable fascination par une atmosphère onirique et décalée que n'auraient pas reniée les surréalistes.

À ce propos, et aussi incroyable que la chose puisse paraître, certaines situations atteignent de tels sommets d'étrange incongruité qu'elles ne vont pas sans évoquer la période française du grand Luis Buñuel, et notamment des films tels que "La Voie lactée", "Le Charme discret de la Bourgeoisie" ou "Le Fantôme de la Liberté". J'en veux pour exemple la séquence du couvent dans lequel est cloîtrée la fameuse "Fiancée de Dracula", dont la proximité rend fou: cette folie qui se communique aux nonnes et induit chez elles des comportements incongrus débouche sur des scènes d'une irrésistible drôlerie, et s'apparente incontestablement aux charges féroces menées par Buñuel contre la religion catholique, dépeinte comme constamment subvertie par les désirs et les pulsions qui traversent ses plus éminents représentants. Le couvent de Rollin, peuplé de bonnes soeurs au discours énigmatique en forme de cadavre exquis et au comportement gentiment délirant - une telle trimballe partout un bilboquet, bonjour le symbole, cette autre fume une pipe de la taille d'un sax ténor et cette troisième le cigare - on sait désormais ce qu'est devenue Monica Levinsky! - n'est pas si éloigné de cette scène de "La Voie lactée" où deux infirmiers compatissants viennent embarquer un prêtre pérorant sur le mystère de la Sainte Eucharistie! À elle seule, cette filiation surréaliste suffit à établir à quel point Jean Rollin peut se montrer un auteur à part dans le petit monde du nanar. Mais on peut également recenser nombre de particularités stylistiques qui tendent à en faire une personnalité unique à l'intérieur de ce Z dans lequel il oeuvre inlassablement. Contrairement à ce qu'on peut voir chez ses semblables, les scènes dénudées relèvent d'un érotisme d'esthète qui, pour se mettre au service des exigences opportunistes du marché, n'entretient en revanche aucun rapport avec la complaisance quasi pornographique du Z italien, par exemple. Ou encore, la cohérence très approximative des scripts, constante dans le nanar, renforce ici par le traitement qui en est donné l'atmosphère onirique qui constitue le principal atout de cette oeuvre, également entretenue par le jeu limité des acteurs, qui semblent revendiquer leur "parler faux" et réciter leur texte comme sous hypnose.

En effet, et paradoxalement, un script plus rigoureux ou tout simplement moins décousu, de même que des acteurs plus professionnels ou des conditions de tournage plus confortables eussent engendré un produit certes plus "présentable", mais il y a fort à parier que l'oeuvre aurait perdu en ce cas tout ce qui fait son originalité. Car Rollin travaille dans le Z depuis si longtemps qu'il y est comme un poisson dans l'eau et, d'une façon qu'on pourrait qualifier de mallarméenne, l'homme sait comme personne retourner les manques à son avantage: ainsi, cette discontinuité scénaristique que déploreront les esprits cartésiens, parfaitement servie par les "insuffisances" du casting, finit par établir un climat où domine le flou que traversent des personnages diaphanes et fantomatiques, comme cette secte des "Parallèles" (le terme en lui-même sonne comme un manifeste de la dissidence!) que pourchassent un improbable Van Helsing et son assistant falot. Dans cette réalité vaporeuse et comme "en dentelle", nimbée d'une lumière tour à tour crépusculaire ou hamiltonienne, défilent ainsi une femme vampire à la beauté souffreteuse - véritable emblème du cinéma rollinien -, un nain dévoré par la passion et amant incongru de la précédente, une ogresse dévoreuse de petits n'enfants, sans oublier la "Louve", grande maîtresse de cérémonie incarnée par Brigitte Lahaie qui, paradoxalement, réussit la performance de rester habillée dans un film où le casting féminin se dépoile à la moindre occasion, quitte à créer de toutes pièces les opportunités - il faut avoir vu cette actrice déclamer son texte en tordant frénétiquement son T-shirt afin de permettre à ses nibards de s'en échapper! Tout ce beau monde travaille à la résurrection d'un comte Dracula tout en jabot et au look très BHL, qui finira par surgir d'une horloge permettant de voyager entre les dimensions - hommage au Randolph Carter de H.P. Lovecraft? Rollin tombe une fois de plus amoureux de sa vampiresse qu'il caresse d'une caméra langoureuse pour en donner quelques instantanés saisissant de poésie, comme lorsqu'il allonge sa nudité bleutée sur une pierre tombale, ou la crucifie la poitrine offerte au soleil levant, ou encore la poursuit errant sur les remparts telle une Ophélie flottant "en ses longs voiles".

En dépit du contexte purement Z de l'oeuvre, totalement assumé par un cinéaste qui n'est d'ailleurs pas le dernier à en rire, Rollin nous livre une oeuvre ambivalente, décalée, pleine d'autodérision et suffisamment fascinante dans son étrangeté pour avoir été programmée par la très sérieuse Arte. Avec "La Fiancée de Dracula", indubitablement l'un des sommets de sa filmographie certes discutable, il invente un genre inédit: le "nanar d'auteur". Je ne saurais trop recommander aux amateurs d'OVNI cinématographiques de se laisser tenter par l'aventure: je gage qu'il n'en ressortiront pas indifférents...

Et si Jean Rollin, avec ses bouts de ficelle et ses nuits américaines d'un autre âge, était le dernier cinéaste vraiment libre?

Cliquez sur le lien pour voir un extrait:

http://www.commeaucinema.com/bandes-annonces=6857.html

fianc_e_de_dracula

Non, on n'enlèvera pas le voile!

horloge

Le tiercé dans le désordre: nain vampirophile, professeur vampirophobe et horloge lovecraftienne!

_checs

Bon, tu joues? c'est qu'on finit par se faire vieux!

dracula

Dracula: la barbarie à visage humain!

morsure

Très douloureux: les morsures d'ogresse!

vampiresse

Vampire crucifiée sur nuit américaine: toute la poésie du nanar rollinien!

side

Quand l'impécuniosité devient productrice de surréalisme!

rollin_finger

Jean Rollin: un cinéaste à message!

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