L'ARMEE DES MORTS
Vu à la télé
"L'Armée des Morts" (Dawn of the Dead)
de Zack Snyder (2004)
Tout d'abord, rendons grâces au distributeur français qui a eu le bon goût de ne pas intituler "Zombie" ce "Dawn of the Dead" qui n'a que de lointains rapports avec le chef d'oeuvre du grand George A. Romero.
Car, à part le supermarché comme théâtre des évènements, on ne voit pas trop en quoi cette bouse fumante, péniblement délivrée par un yes-man inodore et sans saveur, mérite l'appelation de "Dawn of the Dead". Voyons-y plutôt l'opportunisme racoleur de ses producteurs (parmi lesquels Richard P. Rubinstein, auquel il sera beaucoup pardonné en tant qu'ex-producteur et mécène de Big George dans sa période la plus faste) qui n'ont ici d'autre but que de surfer sur le statut de classique indéboulonnable de son pseudo modèle et sur le succès qu'il continue d'avoir, y compris auprès du jeune public, plus de trente ans après sa sortie. Mais c'est ça le mercantilisme: on se paye les franchises les plus porteuses et on vend du caca sous de beaux emballages, qui a parlé de tromperie sur la marchandise? Donc, que reste-t-il du brûlot originel de Big George? Aux orties toute la critique sociale d'une Amérique fascinée par les armes, exit la symbolique du supermarché où le piège de la consommation se referme sur ceux qui n'ont pas su résister aux sirènes du consumérisme, out la caractérisation des personnages dont la survie dépend de la rationalité de leurs choix. On n'est pas là pour se prendre la tête avec des considérations de pédés intellos, on est là pour dégommer à grands coups de riot-gun des zombies qui pourraient tout aussi bien être des musulmans, et vive le président W!
Là où, avec un microcosme de quatre personnages, Romero réussissait un compte-rendu exhaustif des tares de la société américaine, Snyder nous propose une multitude de protagonistes débarquant sur les lieux par camions entiers, mais rien n'y fait: comme tous ont l'épaisseur psychologique d'une feuille de papier Job, il pourrait tout aussi bien nous refourguer les 4400 d'un seul coup que ça ne ferait pas décoller son film! À tel point que, par moment, on nage dans l'incohérence la plus crasse: pourquoi, par exemple, le personnage de CJ passe-t-il d'un égoïsme forcené à l'héroïsme de son sacrifice final, mystère... On va pas non plus s'emmerder à écrire un script, c'est qu'on a des zombies à flinguer, nous!
Voilà finalement à quoi se résume "L'Armée des Morts": un bourrinage de jeu vidéo où l'on flingue à qui mieux mieux pour atteindre son quota de points, où des débiles musculeux débitent des punchlines foireuses, le tout avec des plans de l'ordre du subliminal coupés, recoupés et remontés hystériquement pour faire plus clip vidéo ou je pas trop quoi, pourvu que ça soit mode et que ça ratisse le plus large possible. À cette grossière caricature et à son idéologie frelatée, nous préférerons un retour aux sources en allant voir "Le Territoire des Morts", quatrième volet du cycle des Morts-Vivants, qui consacre la grand retour de Big George sur nos écrans et qui, s'il n'a pas la puissance de ses prédécesseurs, n'en constitue pas moins un film intéressant, sincère et respectueux de son public.
Malheureusement ce n'est pas fini! Les charognards, alléchés par le soudain retour en grâce de nos chers zombies auprès du public, nous annoncent déjà un troisième remake de "La Nuit des Morts-Vivants" (rappelons que le chef d'oeuvre avait déjà été reproduit assez respectueusement par Tom Savini, génie des effets spéciaux ayant oeuvré sur "Zombie", où il est également acteur) ainsi que, last but not least, un "Day of the Dead 2: Contagium" qui est à ce qu'on nous dit la suite du troisième volet du cycle de Romero, suivi d'un remake proprement dit de ce même troisième volet, qui serait réalisé par le tâcheron Steve Miner, auteur de quelques "Vendredi 13" et de deux "House" qui n'ont pas vraiment marqué le cinéma fantastique! À part un peu plus de confusion dans l'esprit du spectateur, je dois avouer que je n'attends pas grand chose de ces nouvelles entreprises douteuses. Notez que les Italiens avaient déjà donné dans ce sport avec un "Zombi 2" de Lucio Fulci (titré chez nous "L'Enfer des Zombies") qui tentait putassièrement de se faire passer pour la suite officielle de "Dawn of the Dead", suivi quelques années plus tard par un "Zombi 3" de sinistre mémoire...
Et si, pour changer un peu, on envoyait les zombies à Hollywood, histoire de démembrer quelques producteurs véreux?