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patchworkman's blog
27 février 2006

BATMAN EN FRANCE 1

Comics

BATMAN EN FRANCE

1ère partie:

Batman chez SEMIC - Autopsie d'un échec

1b

Durant le premier semestre 2004, la société Panini emportait les droits d'édition pour la France des comics DC, jusque là détenus par SEMIC, repreneur en 1990 des mythiques éditions Lug. Jusqu'alors, le marché était équitablement partagé, Panini étant l'éditeur officiel de Marvel, et SEMIC celui de DC. Sauf que le second ne sut jamais faire avec DC ce que le premier avait fait avec Marvel, à savoir produire une édition cohérente des différentes séries. SEMIC n'était-il pas suffisamment à l'écoute de ses lecteurs? Toujours est-il que son édition des comics DC s'avéra extrêmement timorée, allant de publications sporadiques en séries avortées, comme si un véritable projet éditorial lui avait fait défaut de façon permanente. Bien que cela nous désole, la perte des droits DC semble malheureusement sonner le glas pour SEMIC, puisque les deux mammouths du comics sont désormais entre les mains de son principal concurrent.

Pourtant la demande existait bel et bien, comme en témoigne le succès éclatant remporté par Panini en à peine un an et demi de publication DC. En effet, il n'est que de passer en revue le courrier des lecteurs des titres DC chez SEMIC pour réaliser à quel point le besoin de continuité était évident, pour ne pas dire réclamé à corps et à cris. Car DC et Marvel ne sont pas de simples éditeurs aux yeux des fans, mais de véritables univers au sein desquels règne un ordre cosmique, au sens aristotélicien du terme, à tel point d'ailleurs que les spécialistes parlent de "Marvelverse" et de "DCverse". C'est dire si la continuité, en tant que force organisatrice de ce cosmos, est primordiale dans l'édition de comics.

C'est que le héros de comics, loin d'être intemporel comme le héros récurrent classique qui vit une aventure par épisode et échappe ainsi aux vicissitudes du temps, s'inscrit au contraire dans un devenir qui implique l'évolution de ses paramètres contextuels (entourage, milieu, etc...). De plus, le héros de comics ne craint pas de déborder sa propre série pour s'inviter dans celles de ses éminents collègues voire, lorsque le succès est au rendez-vous, d'engendrer une nouvelle série systématisant ce type de rencontres ("Marvel Team-Up", "Marvel Two-in-One", "The Brave and the Bold"...). Mieux, tous ces braves gens ne craignent pas de mener une existence parallèle à leur carrière solo au sein de super-équipes évoluant au fil des départs et des arrivées ("JLA", "JSA", "Avengers", Defenders"). Cette interactivité va connaître sa forme la plus aboutie dans le "crossover", aventure géante impliquant plusieurs séries et donc plusieurs héros: ainsi, on peut très bien trouver la suite d'un épisode de Batman dans un épisode de Superman, lequel se poursuivra chez Flash et ainsi de suite, l'objectif commercial étant bien entendu d'amener le fan de Batman à s'ouvrir à d'autres titres.

Ainsi, le "team-up" et le "crossover" situent chaque héros dans un univers commun, où chaque événement survenant dans telle série impacte nécessairement telle autre de façon irréversible, et c'est bien là toute la difficulté du métier d'éditeur de comics. Aux States, celui que vous voyez apparaître en tant qu'"editor" dans les crédits, en bonne place aux côtés du scénariste et du dessinateur, n'est rien moins que le gardien de la "Bible", c'est-à-dire le garant de cette fameuse continuité, celui qui traque impitoyablement toute entorse faite à la cohérence du cosmos.

En 1990, le comics français se trouve en plein marasme depuis la disparition progressive mais sûre de la quasi totalité des petits formats et des magazines de BD, balayés par le tsunami des mangas. C'est peu de le dire, la décade 1985-1995 aura été une traversée de désert, tant pour les fans que pour les éditeurs. La seule franchise porteuse en cette période de vaches maigres, c'est bien évidemment Batman, suite à la sortie sur les écrans, entre 1989 et 1997, des deux chefs-d'oeuvre de Tim Burton suivis des deux navets du tâcheron Joel Schumacher, que leur abyssale crétinerie n'empêchera pourtant pas de connaître le succès. À la télé aussi, Batman cartonne en dessin animé auprès des têtes blondes, et il est intéressant de noter qu'un des rares succès enregistrés par SEMIC est un "Batman Magazine" (plus de 30 numéros parus, un record pour l'époque!) adaptant le cartoon en BD. Dans un tel contexte, il est clair que celui qui détient les droits de DC pour la France est le mieux placé dans les starting-blocks: une opportunité que SEMIC s'avèrera incapable de saisir. Alors qu'il fallait d'urgence asseoir une série régulière pour rétablir Batman dans une continuité propre à accrocher puis à fidéliser l'amateur, l'éditeur se contente de saupoudrer le marché de quelques parutions sporadiques, telles des adaptations de films d'un intérêt discutable et divers "one-shot", voués à se volatiliser dans les éthers comme autant d'électrons libres ne laissant au lecteur aucun notable souvenir.

Un exemple des plus frappants est la parution, en 1995, du one-shot "Batman / Punisher". Nonobstant le fait que je n'ai jamais été un grand fan de crossovers inter-éditeurs (le Punisher est un héros de Marvel), quelle ne fut pas ma surprise d'y découvrir un Batman revêtu d'un casque et d'une armure à la Iron-Man, psychopathe et fanatique religieux de surcroît, et qui répondait à la ville au patronyme frenchy de Jean-Paul Vallée! Qu'est-ce que c'était que cette caricature de mon Dark Knight à moi, un bouffeur de grenouilles en plus, non mais je vous demande un peu! Bref j'étais largué... Mettez-vous un peu à la place du lecteur français de 1995: depuis dix ans, alors que la série et ses spin-off se poursuivait tambour battant aux USA, aucune série régulière n'avait été proposé dans l'hexagone depuis la disparition en 1985 de SAGEDITION, qui assurait alors un suivi régulier des franchises Superman et Batman dans toute leur diversité. À moins de traquer les originaux dans les comics-shops (vaste programme!), on n'avait aucune idée de ce que Batman en particulier et l'univers DC dans son ensemble avaient bien pu devenir. Alors un Batman en ferraille parachuté de but en blanc dans ce contexte, sans aucune explication, imaginez un peu! Aurait-on voulu dégoûter définitivement le lecteur que l'on n'aurait pas agi autrement... J'appris par la suite, à force de recherches, que durant sa longue absence chez nous Batman (le vrai) s'était fait méchamment dérouiller par un vilain du nom de Bane, et que le Batman froggy le remplaçait pour une période indéterminée tandis qu'il léchait ses blessures dans la Bat-Cave. Une publication, même ponctuelle, de ces épisodes pivot de la mythologie nous eussent certainement aidé à mieux accepter celui que les fans nommaient "Azbat" et à maintenir le lecteur dans un suspense dynamisant, à savoir: quand Batman (le vrai) ferait-il enfin son grand come-back?

C'est dire l'importance de cette notion de continuité, et le challenge qu'elle représente pour un éditeur français, qui doit en outre gérer le décalage des parutions entre les USA et l'hexagone. Dès lors, le vague saupoudrage chichement dispensé par SEMIC, pour être d'une indéniable qualité au point de vue technique, n'en laissa pas moins sur leur faim les fans purs et durs, c'est-à-dire le public à conquérir en priorité. Ainsi connut-on cette aberration de la publication irrégulière d'une revue "Batman Hors-Série", publiant pêle-mêle et au petit bonheur mini-séries, one-shots, adaptations de films, elseworlds, sans que par ailleurs n'existât une série Batman régulière: un hors-série sans série, admettez que le paradoxe est lourd à digérer! Même politique avec "Superman Hors-Série", ou encore avec "Spécial DC" qui, présentant à chaque numéro un super-héros différent, constituait une sorte de banc d'essai. Symptomatique des tâtonnements de SEMIC, ce titre n'a jamais débouché sur quoi que ce fût de durable. Quant au projets avortés, on ne les compte plus: ainsi une tentative de reprise du mythique "Strange" en 1997, où une esquisse de continuité fut tentée avec la série "Batman", dessinée par l'excellent Kelley Jones, accompagnée de la toute nouvelle "JLA", débutée à son n°1 et qui avait alors le vent en poupe. Malheureusement, leur potentiel fut parasité par le choix de séries faiblardes telles "Sovereign Seven", "Flash" et sa version ado "Impulse", et "Strange" capota au bout d'une dizaine de numéros. Seule survivante de ce naufrage, "JLA" perdura durant deux ans dans son propre magazine, et peut à ce titre être considérée comme l'une des demi-réussites de SEMIC. Le fait que cette série, dans laquelle le Dark Knight apparaît régulièrement, ait vu sa continuité respectée n'est sans doute pas étranger à ces bons résultats.

Batman, quant à lui, se fit beaucoup plus rare, ne réapparaissant de loin en loin qu'à l'occasion des "Hors-Série" et de one-shots ponctuels, parmi lesquels le "Batman / Aliens" du vénéré Berni Wrightson et la maxi-série "The Long Halloween" de l'époustouflant Tim Sale seront les seules pièces à présenter un certain intérêt. Au cimetière des séries avortées, citons encore un "Batman Legend" (5 numéros en 1996) proposant dans le bordel le plus total des épisodes au demeurant intéressants de la série "Legends of the Dark Knight", ainsi que "Birds of Prey" (5 numéros en 2000, précédés d'un "Spécial DC"), spin-off éloigné mettant en scène une équipe d'héroïnes plus ou moins issues du "Bat-Verse".

Si la publication de DC en kiosque fut déplorable, SEMIC enregistra en revanche un indéniable succès en librairie, notamment avec les "SEMIC-Books", albums d'un rapport qualité / prix imbattable - 10 € l'album, présentation et brochage irréprochables, papier de luxe... Virent ainsi le jour plusieurs moments parmi les plus forts de l'histoire de DC, dont le plus beau fleuron reste une édition enfin digne de ce nom de "Crisis on Infinite Earths" (4 volumes), de Marv Wolfman et George Perez, mythe fondateur de la nouvelle continuité DC. Passer le catalogue en revue s'avèrerait fastidieux tant il est riche en pièces de choix. Je me contenterai donc de vous recommander les quatre volumes de "Dark Victory", où Jeph Loeb et le sublime Tim Sale poursuivent la redéfinition du Batman des origines entamée par l'icône Frank Miller dans "Year One", sans oublier le très original spin-off "Gotham-Central" (2 volumes) qui relate dans une ambiance très série noire le quotidien des flics de Gotham. Toujours en "SEMIC-Books", et s'il m'est permis de faire une escapade hors sujet, j'ajouterai que cette collection a largement contribué, avec l'éditeur Delcourt, à faire connaître chez nous le scénariste le plus génial de toute l'histoire du genre, l'homme qui a définitivement et radicalement changé la face du comics: j'ai nommé l'IMMMMMENSE Alan Moore! Les fans du Dark Knight n'auront pas oublié son hallucinant "Killing Joke", et SEMIC restera toujours dans nos coeurs pour nous avoir donné pas moins de trois séries intégrales du génie, parmi lesquelles l'incontournable "Top Ten" (4 volumes).

En plus luxueux, nous avons la collection "Privilège", avec le "Year Two" dessiné par Todd McFarlane (créateur de "Spawn", l'un des rares francs succès de SEMIC en kiosque), et surtout "Death in the Family", arc mythique relatant la condamnation à mort de Jason Todd (le second Robin) au terme d'un suffrage effectué par DC auprès des lecteurs impitoyables - ah il a bon dos, le Joker!

Enfin, au rayon haut de gamme, deux albums de luxe à signaler. D'abord les "Archives Batman 1939-1941", rassemblant les tous premiers épisodes de Batman durant le "golden age" par son créateur Bob Kane - numéros 27 à 50 de "Detective Comics", jusqu'ici inédits en France. Ensuite le premier volume d'une "Anthologie Batman par Neal Adams", consacrée aux travaux du maître gothique sur le Dark Knight. Ce tome 1 regroupe les premières approches qu'il fit du personnage, principalement sur la série "The Brave and the Bold", dans laquelle Batman faisait équipe à chaque numéro avec un super-héros DC différent. Malheureusement, la chute de SEMIC coupe court à la poursuite de ces deux intégrales, mettant fin à l'un de ses projets les plus alléchants.

Toutefois, SEMIC sut se réveiller sur le tard et proposer enfin, dans sa dernière année de partenariat avec DC, deux publications dignes des icônes Superman et Batman. Plus louable encore, l'éditeur y faisait preuve d'un réel effort pour se réinscrire dans la sacro-sainte continuité. Histoire de se mettre en phase avec les USA, on commence par prendre l'option de publier les tous derniers épisodes des séries "Batman" et "Superman". Ç a démarre très fort avec l'arc géant "Hush", dessiné par la superstar Jim Lee, qui tiendra les fans en haleine durant 12 épisodes étalés sur 9 numéros de "Batman" (l'intégrale sera reprise en "SEMIC-Books") et ça continue dans la même veine avec le très noir "Broken City" (6 épisodes sur 4 numéros). Autre excellente idée: compléter le titre "Superman" avec la toute nouvelle série "Superman & Batman" - résurgence moderne du lointain "World's Finest Comics" qui relatait les aventures communes des deux héros - et ce dès son n°1. Une moins bonne idée, en revanche, est d'avoir complété "Batman" par des épisodes antérieurs de plusieurs années (2000), d'autant plus qu'ils sont dessinés par l'exécrable Scott McDaniels! Il eût été à mon sens plus judicieux, en parallèle avec la série "Batman", de publier des épisodes contemporains de "Detective Comics", qui lui sont naturellement complémentaires.

On le voit, le SEMIC nouveau est à la pointe de l'actualité et semble bien déterminé à ne pas lâcher la rampe. La cohérence retrouvée, le succès est enfin au rendez-vous et les fans en redemandent. Enfin en phase avec eux, SEMIC lance "Génération DC", avec en vedettes deux séries-phares proches de l'univers de Batman: "Teen Titans" et "Outsiders". L'idée de "Génération DC" vient du succès obtenu par le "Spécial DC" n°22, qui proposait "Graduation Day", une mini-série mettant en scène les deux équipes Teen Titans et Young Justice. Après le décès de deux membres des Teen Titans, les deux groupes traumatisés se séparaient à la fin du dernier épisode... pour mieux renaître de leurs cendres, après redistribution de leurs membres et adjonction de nouvelles figures, dans deux nouvelles séries: "Teen Titans" troisième du nom (dans laquelle on retrouve Tim Drake, l'actuel Robin aux côtés de Batman) et "Outsiders", équipe fondée au cours du "silver age" par le Dark Knight himself, ici reprise en main par Nighthawk qui fut le Robin d'origine dans une autre vie - l'ombre de la chauve-souris n'est jamais bien loin! On la retrouve encore avec la nouvelle Batgirl, au costume très sado-maso, qui vient compléter le sommaire de "Génération DC".

Malheureusement, cette belle aventure s'achèvera au bout de six numéros, DC reprenant ses billes au moment même où SEMIC voyait enfin le bout du tunnel, pour les remettre entre les mains de Panini. Pour Batman, une nouvelle aventure française commence, que je vous relaterai dans la deuxième partie de cette étude.

Un mot pour finir: bien que privé de matériel DC et désormais quasi absent des kiosques, SEMIC existe toujours en librairie. Pour ceux d'entre vous qui seraient intéressés par leurs publications présentes et passées, voici l'URL de leur site:

http://www.bdsemic.fr/

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La couverture alternative "spécial collectors" du n°1 de "Batman"

Prix de lancement: 1 € !!!

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Batman dans "Strange": l'art magnifique de Kelley Jones

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"Dark Victory": le chef-d'oeuvre de Jeph Loeb et Tim Sale

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Le must des collectionneurs: les "Archives Batman"

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"Génération DC": le baroud d'honneur

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Commentaires
P
C'est vrai ça: on est des vrais polyvalents!
P
Pourtant, comme je dis souvent: un bon lit et un bon Batman...
H
ah non là c'est trop pointu pour moi.<br /> je suis de tout coeur avec vous les pro mais je retourne à ma sieste<br /> calins<br /> Harley
E
... le lire. Ok pas cool, je sais. En avant la lecture ! ;-)<br /> <br /> V'là que tu parles des comics et moi d'un film. m'enfin les comics ne sont jamais très loin ;-)
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